Fossiles ou énergie verte?
Le Journal de Montréal
«Est-on vraiment en guerre?» est-on porté à se demander en prenant connaissance du titre de cet essai du journaliste et militant écologiste Philippe Bélisle racontant les 20 dernières années de luttes que l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) et son fondateur, André Bélisle (aucun lien de parenté), ont menées «dans l’intérêt du bien commun contre la cupidité des entreprises du secteur de l’énergie et la duplicité de certains de nos dirigeants politiques et de l’administration publique».
André Bélisle et Philippe Bélisle, La guerre des fossiles, Éditions Somme toute
L’AQLPA a été de toutes les grandes batailles jugées d’intérêt public: pluies acides, gaz de schiste, oléoducs et gazoducs, climat, législation antibâillon, système d’inspection régulière des véhicules à moteur thermique, etc.
On lira ici, dans ce deuxième tome, qui va de 2003 à 2023, le compte-rendu de 20 ans de combats et de militantisme de celui qui fut fondateur de l’AQLPA. En préface, Louis-Gilles Francoeur raconte comment le ministère de l’Environnement, dont le premier titulaire a été le ministre péquiste Marcel Léger, a perdu des plumes en cours de route. Si la volonté du ministre Léger était de faire des six millions de Québécois autant «d’inspecteurs environnementaux», aujourd’hui, ceux-ci ont été remplacés par de puissants cabinets d’avocats et des lobbyistes de toutes allégeances qui permettent aux gouvernements d’adopter des réglementations «sur mesure» qui répondent aux attentes des grandes corporations, «quitte à consulter pour la forme la population et les groupes une fois que la nouvelle ligne rouge a été définie».
Cette perte de pouvoir du ministère de l’Environnement a favorisé l’émergence de groupes citoyens ou environnementaux, certains plus diplomates, d’autres plus radicaux, comme celui qui a paralysé le pont Jacques-Cartier, il n’y a pas si longtemps, désireux de rappeler aux gouvernements leurs promesses non tenues.
L’auteur rappelle les tergiversations autour de la construction d’une centrale thermique, le Suroît, dans la région de Beauharnois, les nombreux renvois de dossiers, les menaces, le chantage, les conflits d’intérêts et les contradictions, l’opposition majoritaire des citoyens au projet, etc. Cette centrale thermique allait dépendre des livraisons de gaz, une ressource non renouvelable venue de l’extérieur du Québec, créant ainsi un dangereux précédent pour la sécurité énergétique des Québécois.
C’est à cette époque que naît l’intérêt d’Hydro-Québec pour l’éolien, comme substitut au thermique. Selon une étude de deux chercheurs, notre potentiel éolien global représentait «plus de 130 fois la puissance installée d’Hydro-Québec et plus de 80 fois la consommation annuelle d’électricité de la province. Selon ces chercheurs, le Québec disposait du meilleur potentiel éolien au Canada.» Finalement, en novembre 2004, dans une tentative de retrouver la confiance des électeurs, le gouvernement Charest annonce l’abandon définitif du projet du Suroît. Le projet de ports méthaniers dans le Saint-Laurent, comme celui de Rabaska, allait subir le même sort, quelques années plus tard.