
Les origines de la Chevrolet Corvette
Le Journal de Montréal
Rendue à sa huitième génération et produite sans discontinuer depuis près de 70 ans, la Chevrolet Corvette est devenue une auto mythique. Pourtant, elle a eu des débuts plus… humbles.
Une voiture de sport américaine, l’idée est évidente! Eh bien, au début des années 50, pas du tout… En 1952, ce segment représente 0,25% du marché américain et il est presque entièrement occupé par des marques anglaises. En Europe, les GI ont découvert après la guerre les petits roadsters anglais, légers et agiles, et ont tranquillement commencé à en acheter à leur retour chez eux, MG TD et Jaguar XK-120 en tête.
Suivront les Triumph TR-2 et autre Porsche 356. Du côté des constructeurs américains, il ne se passe rien… ou presque. Nash a sorti sa Nash Healey en 1951 et Kaiser la Kaiser Darrin (avec ses portes rétractables) fin 1952. Les deux connaîtront des carrières extrêmement confidentielles. Quelques petites compagnies se lancent dans ce créneau. Et plusieurs d’entre elles offrent des modèles en kit avec des carrosseries en fibre de verre (GRP en anglais, pour Glass Reinforced Plastic), une technologie développée durant la guerre.
Le plus grand que nature (tant par le caractère que par la taille) Harley J. Earl, vice-président responsable du design de General Motors, observe la tendance. Il voit que les courses automobiles attirent de plus en plus de monde et il remarque les roadsters anglais sur les bords des pistes. Fin 1951, il envisage un roadster bon marché (prix visé de 1 850 $ alors que la Chevrolet 1952 la moins chère coûte déjà 1 519 $). Le directeur général, Thomas Keating, et l’ingénieur en chef, Ed Cole, de Chevrolet se montrent très intéressés.
Le projet est baptisé « Opel », comme la filiale allemande, pour tromper la concurrence et se contente d’une équipe réduite, tenue au secret. Début 1952, Robert McLean réalise les premiers croquis et Maurice Olley travaille sur le châssis. Afin de réduire au maximum les coûts, il a l’obligation de réutiliser le plus de pièces existantes possible. La longueur d’empattement est fixée à 102 pouces, soit celle de la Jaguar XK-120, et la position de conduite est aussi calquée sur cette dernière.
À l’époque, il n’est pas possible pour une division de GM d’utiliser un moteur provenant d’une autre division (quand GM commencera cette pratique dans les années 70, certains clients intenteront des procès), Chevrolet doit donc se contenter de son 6 cylindres en ligne de 235 pc de série. Seulement, avec 105 chevaux (ou 115 avec la boîte automatique), on ne peut pas vraiment parler de sport. Le bloc est revu : arbre à cames plus agressif, poussoirs mécaniques, taux de compression augmenté (de 7,5:1 à 8,0:1) et trois carburateurs au lieu d’un seul. Après cela, le « nouveau » moteur, dorénavant appelé Blue Flame, développe 150 chevaux. Cependant, il sera accouplé à une boîte automatique Powerglide à deux rapports, franchement pas sportive mais la seule boîte chez Chevrolet capable d’encaisser cette puissance.
Les travaux avancent bon train. Une première maquette en argile grandeur nature est complétée au printemps 1952. Et il faut aller vite car le projet doit être bouclé pour la fin de l’année. C’est pour cela que le prototype est réalisé avec une carrosserie en fibre de verre.