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Ford Maverick 1970-77 : Comme son nom ne l’indique pas…
Le Journal de Montréal
La définition d’un maverick est celle d’un libre-penseur, d’un non conformiste. Pourtant, avant d’avoir été associé à une camionnette à succès, ce nom désignait chez Ford une voiture on ne peut plus conventionnelle.
Lorsque les Trois Grands de Detroit lancèrent pour le millésime 1960 leurs modèles compacts (Plymouth Valiant, Chevrolet Corvair et Ford Falcon), tous avaient un objectif en tête : battre la Volkswagen Beetle. Dix ans plus tard, le bilan est en demi-teinte : certes, les trois véhicules se sont bien vendus (spécialement la Falcon avec près de 2,8 millions d’exemplaires) mais la progression de Volkswagen n’a pas été arrêtée… c’est même plutôt l’inverse.
Chez Ford, depuis le lancement de la Falcon, la gamme a sensiblement évolué avec l’apparition de l’intermédiaire Fairlane en 1962 et de la Mustang en 1964. Les ventes de Falcon baissent régulièrement depuis 1967. Alors que faire? Lee Iacocca, le président de Ford, décide de muscler son bas de gamme : lancement d’une nouvelle compacte pour 1970 et d’une sous-compacte pour 1971. Pour la sous-compacte, pas le choix, il va falloir développer une nouvelle plate-forme. Celle-ci deviendra la Pinto, de plus ou moins sinistre mémoire. Pour la compacte par contre, les soubassements de la Falcon (construction monocoque) feront parfaitement l’affaire, même s’ils ont déjà plusieurs années. À partir de 1966, le projet Delta démarre avec pour objectif, à nouveau, de battre la Beetle. Les designers vont donner à l’auto des proportions similaires à celles de la Mustang (capot long, arrière raccourci) et une ligne fastback inspirée de celle du concept Allegro de 1963. L’empattement est raccourci à 103 pouces (262 cm) contre 110,9 pour la Falcon (282 cm). La Maverick est calibrée pour accueillir 4 passagers (contre 5-6 pour la Falcon) mais ceux qui seront installés à l’arrière ne seront pas très bien assis.
C’est la question que l’on est en droit de se poser à propos de Lee Iacocca. Il a fixé la date de lancement de la Maverick au 17 avril 1969, soit 5 ans jour pour jour après l’introduction de la Mustang. Proportion de Mustang, nom lié à l’univers des chevaux et même journée de lancement, ça sent un peu la martingale tout ça… Il n’empêche que les gens affluent dans les concessions, probablement attirés par un prix de base de 1 995 USD/2 375 CAD pour un modèle de base millésimé 1970. En comparaison, une Falcon coûte 2 390 USD/2 827 CAD.
Pour ce prix, l’acheteur a droit à un 6 cylindres en ligne de 170 pc (2,8 litres) développant 105 chevaux et couplé à une boîte manuelle à 3 rapports synchronisés avec levier à la colonne, une suspension indépendante à l’avant, un essieu rigide monté sur ressorts à lames à l’arrière, des freins à tambour aux 4 roues, le chauffage, des tapis de sol en caoutchouc dans l’habitacle et le coffre, des vitres arrière ouvrantes, un plateau de stockage à la place de la boîte à gants et … voilà. À ce prix, vous ne pouvez pas faire de miracles. Ce qui veut dire que tout le reste est en option : 6 cylindres 200 pc (3,3 litres) développant 120 chevaux, boîte semi-automatique (seulement sur le 170 pc), boîte automatique Selecshift, vitres teintées, air conditionné, différents rapports de pont (selon le moteur et les équipements), radio AM, ensemble Accent (accents chromés, pneus plus larges, tapis coordonnés, enjoliveurs de roues). Là où Ford met un peu de fantaisie, c’est dans le choix des couleurs. Il y en a 15 dont 5 vives portant des noms avec un jeu de mots en anglais : Anti-Establish Mint, Hulla Blue, Original Cinnamon, Freudian Gilt et Thanks Vermillion.
La Maverick est présentée dans les publicités comme « The simple machine » (la machine simple). Ford précise qu’elle est simple à acheter, posséder, utiliser, stationner et entretenir. Parfait! Sauf que, dans son édition de septembre 1969, le magazine Road & Track n’est pas tendre avec elle. Le texte commence par ces mots : « Sérieusement, si la Ford Motor Company pense vraiment que sa nouvelle Maverick va instantanément rendre les véhicules économiques importés inutiles pour le conducteur américain, ses dirigeants doivent avoir perdu la tête. Ce n’est pas une mauvaise voiture, si on la considère dans son ensemble et qu’on lui accorde tout ce qu’elle mérite, mais en dehors de ses performances dynamiques (avec le moteur optionnel plus puissant), elle n’a pratiquement aucune des vertus communes aux meilleurs véhicules importés économiques disponibles pour l’acheteur américain ». Aïe! Le magazine n’aime pas les sièges, la direction, la visibilité, la disposition du coffre, la consommation et conclut son essai de la façon suivante : « Comparée aux principales berlines économiques importées, elle n’est même pas dans la même catégorie en ce qui concerne l’agilité, le freinage, la tenue de route ou la consommation de carburant. Mais ils les vendent. Qui les achète? »
Apparemment, les gens désireux d’obtenir un moyen de transport pour aller du point A au point B ne manquent pas, car Ford produira 578 914 exemplaires pour 1970 (en prenant en compte un millésime allongé). Superstitieux ou pas, Iacocca a encore une fois eu le nez creux et la Maverick est un succès commercial.
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Une personne très proche de moi venait de mourir. Alors que je parlais avec un collègue psychologue, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer... et je me suis aussitôt empressée de m’excuser. J’ai alors eu droit à une réplique sans appel de sa part: «Ah non! Non!», m’a-t-il répété. Sa réponse m’a fait un grand bien, et j’y repense souvent. Il a refusé mes excuses, soulignant que mes émotions étaient non seulement légitimes, mais qu’elles s’exprimaient de la meilleure façon qui soit. La mort de cette personne m’avait profondément affligée, et il n’y avait aucune raison d’être gênée d’éprouver cette tristesse.