
Elle réactualise des crimes sadiques
Le Journal de Montréal
À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
La détective privée Annie Richard et moi déambulons sur la rue Saint-Catherine en approchant du boulevard Robert-Bourassa. Même de loin, nous sentons les ruines tout récemment calcinées de l’immeuble patrimonial qui abritait le club de danseuses nues Super Sexe.
L’enseigne néon inoubliable aux trois super-héroïnes en cape et bikini n’a pas survécu à un incendie « suspect » survenu la veille de l’Halloween.
C’était un des rares emblèmes restants du Red Light. Dans un centre-ville que la prostitution visible a presque déserté, quelqu’un refuse d’oublier certaines horreurs pas si lointaines qui s’y sont passées et nous rappelle que des victimes réclament toujours justice pour des crimes non résolus : la détective privée Annie Richard.
Mme Richard n’appréhende pas le centre-ville comme vous et moi. Quand nous voyons un club ou un hôtel, cette experte fouineuse d’archives à la mémoire d’éléphant se rappelle un foisonnement de coupures de presse étalées sur près d’un siècle. Elle se focalise sur une adresse et exhume les choses incroyables qui s’y sont déroulées.
Une adresse hantée
Je suis étonné d’apprendre qu’Annie Richard n’a jamais vu le Café Cléopâtre, l’un des derniers lieux d’effeuillage préservés et actifs de l’ancien centre-ville olé olé, et je l’y guide. En chemin, nous croisons l’une des adresses à l’historique le plus atroce que la détective connaisse (même si le lieu a été radicalement rénové et changé). Je lis le nom : L’Abri du voyageur.
« C’était auparavant le Bolero Tourist Rooms et auparavant le Western Tourist Room et c’était alors un lieu presque intégralement voué à la prostitution avec des chambres louées à l’heure et où un tueur en série a commis plusieurs meurtres affreux entre 1979 et 1985. Et un des suspects de l’époque, qui a ensuite été condamné pour des féminicides similaires ailleurs au Canada, risque de bientôt sortir de prison... »
L’homme dont la détective parle, Gregory Ashford, est tristement connu, surtout hors Québec. En 2016, la CBC rapportait un scandale : ce tueur venait d’avoir le droit de faire une sortie supervisée dans la communauté.