
Deux femmes peuvent sauver notre langue
Le Journal de Montréal
En France, l’Académie et Hélène Carrière d’Encausse, montent au créneau pour expurger le français de ses anglicismes.
Le « français de France » est beaucoup plus gangrené par les anglicismes que le français québécois. Notre Office de la langue a mené une lutte sans merci contre les anglicismes. L’une de ses plus éclatantes victoires est d’être venu à bout des mots anglais qui minaient le vocabulaire de l’auto. On n’entend plus parler de « windshield », de « muffler », de « bumper », etc., etc. Les vieux amateurs de sport se rappellent l’acharnement de René Lecavalier à franciser notre sport national. Flanqué de Jean-Maurice Bailly, son éternel vis-à-vis, Lecavalier a débarrassé le hockey des « goals », du « puck », des « body checks », des « off side » et de tous les mots anglais qu’on employait depuis des générations.
Une autre plaie, plus virulente encore que les anglicismes, gangrène notre langue au point de la priver, à terme, de son vocabulaire le plus élémentaire. Nous n’avons pas au Québec d’Académie réunissant les écrivains et les intellectuels les plus notoires, pas d’Hélène d’Encausse pour tirer la sonnette d’alarme et déclarer qu’en matière de langue, « nous sommes à un point critique ».
Heureusement, deux associations existent, l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) et la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC). Elles réunissent tous ceux qui grouillent et naviguent dans notre monde de la littérature et de l’audiovisuel.
DES FEMMES D’INFLUENCE
Ces deux organismes ont à leur tête des femmes qui ne portent pas le costume pompeux de Madame d’Encausse mais qui ont autant de caractère que la secrétaire perpétuelle de l’Académie française. Suzanne Aubry est présidente de l’UNEQ et Chantal Cadieux est présidente de la SARTEC. Dans Fanette, une collection de romans dont le succès ne se dément pas, Suzanne Aubry écrit dans une langue riche et dénuée de sacres et de jurons. Quant à Chantal Cadieux, elle s’en tient à un vocabulaire correct dans Providence et Mémoires vives, deux séries qui ont rameuté des auditoires considérables.
J’implore aujourd’hui ces deux femmes de profiter de l’autorité que leur confère la présidence de la SARTEC et de l’UNEQ pour lancer une campagne d’assainissement de la langue écrite par leurs membres. Elles doivent leur faire comprendre que les dialogues qu’ils mettent dans la bouche de leurs personnages ont une profonde influence sur la langue que l’on parle. Si rien ne change, les Québécois finiront bientôt par exprimer leurs états d’âme uniquement par des onomatopées et par les intonations qu’ils donnent à leurs sacres plutôt que par des mots et des phrases.
DES EXEMPLES À IMITER
Elles doivent rappeler à leurs auteurs que les deux comédies les plus célèbres de notre télévision, Moi et l’autre de Gilles Richer et La petite vie de Claude Meunier, font encore rire aux larmes sans jamais que leurs personnages sacrent ou jurent comme le font ceux des films et des séries actuelles. Qu’elles invitent aussi leurs membres à visionner Pa t’mentir, une délicieuse série en ligne, ou Tenir salon avec Sophie Fouron à TV5. Dans l’une et l’autre de ces émissions, des immigrants de première ou deuxième génération s’expriment sans recourir à des jurons et à des sacres comme le font trop de Québécois de souche.

Il y a un an, Donald Trump s’invitait à la cérémonie des Oscars en fustigeant sur les réseaux sociaux son animateur, Jimmy Kimmel. Douze mois plus tard, alors que le 47e président des États-Unis a récemment promis de «ramener l’âge d’or d’Hollywood», son ombre planera plus que jamais sur la 97e édition de la grand-messe du cinéma américain.