Violences sexuelles : la juge en chef de la Cour du Québec démolit le projet de loi 92
Radio-Canada
Fait rare de la part de la magistrature, la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, a semoncé le gouvernement mardi en s'opposant officiellement au projet de loi 92, qui prévoit la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence conjugale et sexuelle.
Le projet de loi remet en cause des principes fondamentaux, dont la présomption d'innocence et l'impartialité de la cour, estime-t-elle dans un mémoire de 16 pages déposé devant la commission parlementaire qui a commencé ses consultations sur le texte législatif.
Depuis le dépôt du texte législatif, le mois dernier, la juge Rondeau, qui est aussi présidente du Conseil de la magistrature, ne s'est pas gênée pour exprimer publiquement ses critiques, mais elle aurait souhaité être invitée devant les députés pour se faire entendre à l'occasion des consultations qui se poursuivront jusqu'à mercredi.
Selon l'opposition, c'est le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, qui a opposé son veto à son inclusion parmi la liste des témoins invités.
La Cour du Québec reconnaît sans difficulté que des actions concrètes peuvent et doivent être posées, à brève échéance, pour mieux soutenir, accompagner et informer les personnes plaignantes, écrit la juge Rondeau.
Elle rejette toutefois catégoriquement l'appellation tribunal spécialisé préconisée par le gouvernement. Il faut éviter d'induire le public en erreur quant à sa mission ou de créer des attentes irréalistes, dit-elle.
À ses yeux, l'appellation retenue pourrait laisser présager que le tribunal a déjà conclu au bien-fondé de l'allégation de violence avant d'entendre la preuve et de rendre jugement, portant ainsi atteinte à l'obligation – réelle et apparente – de neutralité et d'impartialité de la Cour.