
Une vie de cinéma: le pilier du Cinéma Beaubien part à la retraite la tête tranquille
Le Journal de Montréal
Après avoir consacré près de 50 années à la promotion du cinéma d’ici, Mario Fortin quittera ses fonctions de directeur général des cinémas Beaubien, du Parc et du Musée le 17 décembre prochain, la veille de son 70e anniversaire. L’un des principaux artisans de la sauvegarde du Cinéma Beaubien, il y a une vingtaine d’années, le gestionnaire assure qu’il partira à la retraite la tête tranquille. « C’est sûr que ça va me faire un pincement au cœur, mais je suis fier de laisser une entreprise qui est en santé et en bonne situation financière », confie-t-il dans un entretien accordé au Journal.
Vous œuvrez dans le milieu du cinéma depuis 1973. Quel a été votre premier boulot ?
« C’était comme directeur adjoint au cinéma Séville, au coin de Sainte-Catherine et Chomedey, à côté du Forum. On présentait à l’époque La mélodie du bonheur en 70 mm. Pour l’avoir vu pendant 13 semaines, trois fois par jour, cinq jours par semaine, je peux dire que je le connais par cœur ! J’ai ensuite été transféré dans plusieurs cinémas de l’ouest de la ville, avant d’obtenir une promotion au siège social de la chaîne [Famous Players]. J’ai été dans ces bureaux-là pendant 15 ans à tout apprendre, avant d’aller travailler notamment à Téléfilm Canada, au Festival des films du monde et dans quelques boîtes de distribution. »
La relance du Cinéma Beaubien est certainement l’un de vos plus grands accomplissements. Comment vous êtes-vous retrouvé au sein du comité de sauvegarde de l’établissement, en 2001 ?
« Quand les gens du quartier ont voulu s’organiser pour sauver le cinéma [alors appelé Cinéma Le Dauphin], ils sont allés voir les gens de la CDEC Rosemont–Petite-Patrie, qui était juste en face. La CDEC (Corporation de développement économique communautaire), dont le mandat était d’aider les entreprises en démarrage, leur a dit de s’organiser et de faire un plan d’affaires pour créer un OBNL. C’est quelqu’un dans l’entourage de la CDEC qui a parlé de moi en disant que j’avais déjà travaillé dans des cinémas. Ils m’ont appelé et j’ai pris le contrat de préparer leur plan d’affaires. À la blague, je dis souvent que je me suis écrit une job. En préparant leur plan d’affaires, j’ai écrit : ça vous prend quelqu’un comme moi pour diriger le cinéma. Après, quand l’OBNL a été créé, ils m’ont offert la job, et c’est comme ça que je suis embarqué. »
Le cinéma québécois a toujours occupé une grande place dans la programmation du Cinéma Beaubien. On pourrait même dire que c’est le moteur de l’établissement...
« En 20 ans, les seules années où ç’a moins bien marché sont les années de crise du cinéma québécois : 2013, par exemple, a été pénible pour tout le monde et particulièrement pour nous. Au Beaubien, le cinéma québécois représente environ 40 % de notre fréquentation. Le reste, c’est 40 % pour les films français et 20 % pour les films étrangers et majoritairement européens. »
Je suis toujours surpris de voir à quel point certains films peuvent rester à l’affiche très longtemps au Beaubien...
« Le documentaire Ce qu’il reste de nous détient le record de longévité, puisqu’il a été présenté dans une salle pendant un an. C’était exceptionnel. Sinon, Monsieur Lazhar, notre dernier film à avoir été présenté en 35 mm, a été à l’affiche pendant 13 semaines. C.R.A.Z.Y. a été longtemps numéro 1 dans nos salles. »