Une loi qui ravive un traumatisme
TVA Nouvelles
Une loi d’urgence invoquée par un Trudeau, lors d’une crise: il n’en fallait pas plus pour raviver les douloureux souvenirs de «témoins-victimes» de la loi des mesures de guerre de Trudeau-père, en 1970.
«C’est comme ressortir les fantômes», confie le poète Gaétan Dostie.
Il raconte s’être revu, le 16 octobre 1970, dans son lit, au pied duquel se tenaient des «militaires armés de mitraillettes». Ces derniers venaient d’«enlever les couvertures de sur» lui. Ils le gardèrent là près de cinq heures avant de l’embarquer dans un panier à salade.
L’auteure Jocelyne Robert, elle, était enceinte de 7 mois quand les policiers l’ont arrêtée. Ella subira un examen gynécologique «sur un grabat de prison». Tout ce qu’elle avait fait de mal? «Jacques, Paul Rose, Francis Simard, c’était mes amis d’adolescence, c’est tout.»
En voyant à la télévision l’arrestation des leaders de l’occupation d’Ottawa en 2022, Jocelyne Robert s’est exclamée: «Oh ça se fait tout doucement! S’il avait fallu en 1970 que nos arrestations soient télévisées, avec la brutalité qu’on a subie, il y aurait eu un soulèvement populaire!»
Dostie comme Robert disent n’avoir aucune proximité idéologique avec les manifestants d’Ottawa. Ce qui les trouble, c’est le recours à une loi d’exception.
En 2020, Dostie a tenté, en Cour supérieure, de faire déclarer «illégal» le geste du gouvernement Trudeau d’octobre 1970.
En vain. Le magistrat, Sylvain Lussier, a jugé que «ce débat est depuis longtemps déjà dans l’arène historique et politique. Les tribunaux ne devraient plus y être interpellés». (Curieux quand même. Dans les causes autochtones, entre autres, on se penche régulièrement sur des traités remontant parfois à plus de deux siècles!) Dostie tentera un appel d’ailleurs.
S’il y a eu une refonte de la loi, en 1988, c’est précisément à cause du traumatisme de 1970.