Une histoire à soi, un documentaire troublant sur l’adoption internationale
Radio-Canada
Présenté à partir de vendredi à la Cinémathèque québécoise, à Montréal, Une histoire à soi met en scène les témoignages de cinq personnes adoptées en France. À ces histoires intimes, la réalisatrice Amandine Gay accole une analyse sévère, basée sur les théories décoloniales et intersectionnelles, des politiques d’adoption internationale.
Les sujets du film ont entre 25 et 52 ans, et sont originaires du Brésil, du Sri Lanka, du Rwanda, de la Corée du Sud et de l’Australie. À travers leurs échanges avec Amandine Gay, ils et elles réévaluent les idées reçues quant à leurs identités de personnes adoptées.
Pour la réalisatrice, elle-même adoptée en France et dont les parents biologiques sont originaires du Maroc et de la Martinique, l’adoption n’est pas un acte circonscrit dans le temps. La question raciale est centrale, parce que la France est un pays qui a une histoire coloniale, esclavagiste; ça veut dire quelque chose.
« Placer des enfants d’origine algérienne dans une famille où le grand-père a fait la guerre en Algérie, ça pose problème. »
Une des personnes interviewées dans le film, Joohee, révèle que durant sa jeunesse, elle ressentait une reconnaissance très forte envers ses parents. Elle raconte qu'elle était convaincue qu’ils l’avaient sauvée d’une vie pourrie en Corée du Sud. C'est le mythe du sauveur qu’elle a intériorisé, et qui, du même coup, l'a nourrie de préjugés envers son pays d’origine.
On est dans une société qui a très peu pensé à l’adoption, soutient Amandine Gay. Donc, on a une vision morale, une vision humanitaire du sujet.
Même quand votre famille fonctionne très bien, vous allez au supermarché, et des gens arrivent, vous avez 6 ans, 7 ans, ils viennent voir votre mère et disent : "Oh là là, c’est bien, ce que vous avez fait, quelle bonne action!"
Pour Amandine Gay, il faut en premier lieu se pencher sur les questions sociopolitiques afin de mieux cerner les enjeux relatifs au sujet. Ce qui est à la base du développement de l’adoption internationale, c'est la croissance de l’infertilité dans les pays du Nord global, ce n'est pas un désir humanitaire.
Selon la réalisatrice, la demande pour des enfants et des bébés provenant de pays en développement s'est accrue en Occident au détour des années 1970, quand les femmes ont commencé à davantage intégrer le marché du travail et ont eu accès à la contraception.