Un pensionnat pour Autochtones sort de l’oubli
Radio-Canada
Janelle Delorme fait partie d’une lignée de Métis du Manitoba. Cette travailleuse en santé communautaire se passionne pour la généalogie et l’histoire de sa famille. Elle se demande entre autres pourquoi son arrière-grand-père, Fulgence Delorme, n’a pas été conscrit pour la Première Guerre mondiale, alors que son frère l’a été.
Dans le cadre de ses recherches, elle s’est adressée à la généalogiste métisse Janet La France, directrice générale du Centre du patrimoine de la Société historique de Saint-Boniface.
Je ne sais pas si les gens réalisent à quel point le travail d’archives est un travail humain, souligne Janelle Delorme. Très doucement, Janet m’a dit : "J’ai quelque chose à te dire. Je ne veux pas le faire au téléphone ni par courriel. Peux-tu venir à mon bureau?" On a passé l’après-midi ensemble à parler de Fulgence et de son frère Théodore.
Ce que Janelle Delorme a appris, c’est que son arrière-grand-père ainsi que ses frères et ses sœurs ont fréquenté l'École industrielle de Saint-Boniface (EISB), qui était dans les faits un pensionnat pour Autochtones.
Depuis 2021, Janet La France effectue des travaux de recherche sur cette école, en collaboration avec Darian McKinney, architecte et membre d’une Première Nation du Manitoba, et avec Anne Lindsay, chercheuse postdoctorale à l’Université de Winnipeg et spécialiste des pensionnats pour Autochtones.
Pendant la courte existence de l’école, de 1890 à 1905, le taux de mortalité y a été de plus de 30 %. La tuberculose et ses complications, ainsi que la rougeole, étaient les principales causes de décès.
Or, Janelle Delorme avait appris par des recherches personnelles que son arrière-grand-père était mort de tuberculose à l’âge de 32 ans.
Elle se demande maintenant s’il a été exempté d’aller à la guerre parce qu’il souffrait déjà de la tuberculose qui l’a emporté. Ça ne nous surprendrait pas qu’il l’ait attrapée à l’école, dit Janet La France. La maladie était tellement commune à l’École industrielle…
L’existence même de l’EISB a longtemps été oubliée. Comme aucun ancien pensionnaire n’était encore vivant pour en témoigner, l’école n’a pas fait partie des établissements sur lesquels s’est penchée la Commission de vérité et réconciliation, entre 2008 et 2015, afin de documenter les répercussions du système des pensionnats pour Autochtones.