Un bruit de fond de l’Univers entendu pour la première fois
Radio-Canada
Les astronomes le traquaient depuis un quart de siècle : le bruit de fond émis par le tourbillon de gigantesques trous noirs a été identifié grâce à une technique inédite de détection des ondes gravitationnelles, qui ouvre « une nouvelle fenêtre sur l'Univers ».
Ces résultats, dévoilés jeudi, sont le fruit d'une vaste collaboration des plus grands radiotélescopes du monde. Ils ont réussi à capter cette vibration de l'Univers avec la précision d'une horloge, s'enthousiasment les auteurs des travaux parus simultanément dans plusieurs revues scientifiques.
Prédites par Einstein en 1916 et détectées 100 ans plus tard, les ondes gravitationnelles sont d'infimes déformations de l'espace-temps, semblables à des ondulations de l'eau à la surface d'un étang. Ces oscillations, qui se propagent à la vitesse de la lumière, naissent sous l'effet d'événements cosmiques violents tels que la collision de deux trous noirs.
Elles ont beau être liées à des phénomènes massifs, leur signal est extrêmement ténu. En 2015, les détecteurs d'ondes gravitationnelles Ligo (États-Unis) et Virgo (Europe) ont révolutionné l'astrophysique en détectant le frémissement ultrabref – moins d'une seconde – de collisions entre des trous noirs stellaires, d'une dizaine de fois la masse du Soleil.
Cette fois, un signal bien plus étiré dans le temps trahit un phénomène à plus grande échelle, capté par un réseau de radiotélescopes (d'Europe, d'Amérique du Nord, d'Inde, d'Australie et de Chine) du consortium International Puslar Timing Array (IPTA).
On parle ici d'ondes gravitationnelles générées par des trous noirs de plusieurs millions à plusieurs milliards de fois la masse du Soleil, dit à l'AFP Gilles Theureau, astronome à l'Observatoire de Paris-PSL, qui a coordonné les travaux côté français.
Pour détecter ces ondes, les scientifiques ont utilisé un outil inédit : des pulsars de la Voie lactée. Ces étoiles ont la particularité d'avoir une masse d'un à deux Soleil, comprimée dans une sphère d'une dizaine de kilomètres de diamètre.
Ultracompacts, ces astres tournent sur eux-mêmes à grande vitesse – jusqu'à 700 tours par seconde –, précise le chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Une folle rotation qui produit un rayonnement magnétique aux pôles, comme les faisceaux d'un phare, décelable grâce aux ondes radio émises à basses fréquences.
À chaque tour, les pulsars envoient des bips ultraréguliers, qui en font de remarquables horloges naturelles, explique Lucas Guillemot, du laboratoire de physique et de chimie de l'environnement et de l'espace (LPC2E) d'Orléans.