Un avenir pour le français
TVA Nouvelles
La Fête nationale de 2022 avait pour thème «Notre langue aux mille accents». Quel judicieux choix, quelle référence saine et claire au fait joyeux que tous les accents régionaux, autochtones et colorés par l’immigration enrichissent le français propre au creuset québécois!
Beaucoup de voix ont été invitées à saluer le français, tantôt avec inquiétude, souvent avec espoir, mais toujours avec amour.
Que nous puissions vivre ensemble une Fête nationale sous ce thème est en soi un tribut au succès des efforts soutenus de l’État québécois depuis René Lévesque et Camille Laurin pour que notre langue soit, en effet, nationale.
Dans une lettre comparable à celle-ci, Paul Piché, chez qui on reconnaît l’anthropologue, et je m’en flatte aussi, suggère que la langue n’est pas qu’un agencement de sons, de syllabes et de mots équivalents de l’une à l’autre. Par ses références, ses sonorités et sa musicalité propres, l’origine et les images évoquées par les mots, elle confère forme et vie à l’âme, à l’identité, à l’histoire comme au destin d’un peuple.
La langue est un véhicule de culture comme d’expression artistique. C’est pour cette raison que l’État québécois devrait offrir de se substituer au fédéral en matière de soutien financier aux arts québécois et français, afin que cesse cette fréquente aliénation de l’expression artistique française, que ce soit le chant, la poésie, le cinéma ou la littérature, à une manifestation aussi peu nationale que possible, aussi peu libératrice que possible. Après tout, l’argent versé au Québec par Ottawa vient aussi... du Québec, et il en coûtera toujours moins cher que le bitume dans un État où les arts sont encore sous-financés.
La langue est aussi, bien sûr, un véhicule politique. Est-il nécessaire de rappeler qu’en juin 2021, le Bloc Québécois forçait les partis fédéralistes de la Chambre des communes à adopter avec une écrasante majorité une motion reconnaissant, sans davantage de conditions, que le Québec forme une nation et que la seule langue officielle et commune de cette nation est le français? Autant qu’il est nécessaire de souligner qu’un an plus tard, toute l’hypocrisie de ce vote est révélée par un projet de loi sur les langues officielles qui cautionne le rejet de la loi 101 pour les entreprises à charte fédérale au Québec, par des nominations aux plus hauts échelons de l’appareil monarchique canadien de gens ne parlant pas du tout français, du mépris du français dans l’administration de grandes sociétés canadiennes, oui, mais aussi dans l’appareil public canadien où pratiquement tout est anglais, et de la volonté décomplexée d’Ottawa de contester le renforcement de la Charte de la langue française par la loi 96, et ce, jusqu’en Cour suprême. Dénoncer cette hypocrisie commandait peut-être d’attendre la fin des célébrations, mais ce rôle incombe au Bloc Québécois, seul défenseur crédible du français à Ottawa.
Se proclamer défenseur et promoteur du français demande assez peu de conviction. Tous les partis fédéralistes le font. Cette légèreté a pour effet, désiré ou non, d’occulter l’évidence que, sans l’ensemble des attributs d’un État moderne et souverain, ce sera une lutte sur place, sans réel progrès, avec des victoires au mieux épisodiques et anecdotiques, parfois des reculs et des échecs, sans accueil réussi des nouveaux Québécois, et sans la tribune réservée aux nations libres pour nos voix, nos poésies, nos rires, nos colères et nos militances planétaires.