Ukrainienne, mais journaliste d’abord
Radio-Canada
Le quotidien d’Olha Kyrylenko a été transformé par l’invasion de l’Ukraine. Du jour au lendemain, elle est devenue reporter de guerre dans son propre pays. Une mission physiquement dangereuse, émotionnellement compliquée. À 23 ans, elle n’a que quelques années d’expérience, mais déjà un prix Pulitzer en poche. Olha Kyrylenko travaille à l’Ukrainska Pravda, un quotidien en ligne parmi les plus influents du pays. Rencontrée à Kiev, Olha Kyrylenko a répondu à nos questions pour mieux comprendre le quotidien des journalistes ukrainiens.
J’étais en visite à Soumy, ma ville natale. Je me suis levée à 5 heures pour prendre le train et rentrer à Kiev. En route, j’ai consulté les messages venant de notre rédacteur en chef. Il nous expliquait que l’opération militaire – la guerre – venait de débuter.
Dans le train, j’ai appris que Kiev et Kharkiv étaient sous les bombes. J’avais peur de ne pas pouvoir me rendre jusque dans la capitale. Le voyage a été plus long, mais le train s’est rendu.
Dans le train, je me sentais inutile. Sans connexion Internet stable, impossible de vérifier quoi que ce soit ou de contacter les collègues et la famille. J’avais peur aussi. Dans un message, ma mère m’a appris que des douaniers ukrainiens avaient été tués par les soldats russes. Ma famille a rapidement décidé de s’éloigner de Soumy.
Vous ne pensez pas à votre métier quand la guerre arrive dans votre pays. Vous ne pensez pas aux histoires à documenter. Vous pensez d’abord à votre famille. À leur sécurité. Après ça, vous allez faire votre boulot.
Nous en avions discuté entre collègues une semaine avant l’invasion. J’avais alors levé la main pour partir en reportage près des lignes de front. À ce moment, c’était déjà clair dans ma tête : je voulais continuer d’être journaliste dans cette crise.
Les journalistes ukrainiens doivent garder la tête froide et aider tout le pays à rester calme. À ne pas se laisser affecter par la propagande. Je ne pense pas seulement à la propagande russe, mais aussi à celle venant des autorités de notre pays.
Au début de mars, j’étais surtout autour de Kiev, notamment pour l'évacuation des civils à Irpin. J'ai passé du temps autour de ce pont qui a été détruit. J'étais là où les gens voulaient fuir. J'étais dans les hôpitaux, dans les abris.
Quand les troupes russes ont abandonné Kiev, je suis retournée dans ces villes maintenant libérées pour voir comment ça se passait. Boutcha, Borodyanka, Motyzhyn.