Total a sciemment minimisé son rôle dans la menace du changement climatique
Radio-Canada
Total avait connaissance des conséquences néfastes de ses activités pour le climat dès 1971, mais a entretenu le doute à la fin des années 1980 et cherché ensuite à contrecarrer les efforts pour limiter le recours à ces énergies fossiles, selon un article scientifique paru mercredi.
Christophe Bonneuil, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique, Pierre-Louis Choquet, sociologue à Sciences po, et Benjamin Franta, chercheur en histoire à l'Université Stanford, ont étudié les archives du groupe pétrolier, devenu TotalEnergies, ainsi que des revues internes et des interviews, selon cet article paru dans la revue Global Environmental Change.
Une publication dans la revue de Total, en 1971, expliquait que la combustion d'énergies fossiles conduit à la libération de quantités énormes de gaz carbonique et à une augmentation de la quantité de gaz carbonique dans l'atmosphère. Une augmentation (...) assez préoccupante, notait le texte de 1971. Pour autant, le groupe a passé ce sujet sous silence, relèvent les chercheurs.
Au milieu des années 1980, le géant américain Exxon, via l'Association environnementale de l'industrie pétrolière (IPIECAAssociation environnementale de l'industrie pétrolière), prend la tête d'une campagne internationale des groupes pétroliers pour contester la science climatique et affaiblir les contrôles sur les énergies fossiles, poursuivent les chercheurs.
Bernard Tramier, directeur de l'environnement chez Elf puis Total de 1983 à 2003, cité dans l'article, raconte avoir été informé de l'importance du réchauffement climatique lors d'une réunion de l'IPIECAAssociation environnementale de l'industrie pétrolière en 1984. Deux ans plus tard, il alerte le comité d'exécutif d'Elf, disant : il est donc évident que l'industrie pétrolière devra une nouvelle fois se préparer à se défendre.
La nouveauté est qu'on pensait que seul Exxon et les groupes américains étaient dans la duplicité. On s'aperçoit que nos champions pétroliers français ont participé à ce phénomène au moins entre 1987 et 1994, explique à l'AFP Christophe Bonneuil, parlant d'une fabrique de l'ignorance.
Parallèlement Total et Elf ont fait pression, avec succès, contre les politiques qui visaient à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en cherchant à se doter d'une crédibilité environnementale à travers des engagements volontaires, avance l'étude de mercredi.