TECFÉE révisé: faire tourner la roue de la médiocrité
TVA Nouvelles
Dans son article du 19 juin 2024, Daphnée Dion-Viens nous informe que le taux de réussite du TECFÉE, le Test de certification en français écrit pour l’enseignement que doivent réussir tous les futurs enseignants, est à la baisse, alors même qu’une version révisée sera mise à l’essai cet automne.
Selon plusieurs commentateurs, cette baisse n’est pas étrangère à la pandémie. Or, d’autres chercheurs observent que les résultats académiques de la génération Z étaient déjà à la baisse bien avant, depuis les années 2010, soit depuis l’arrivée des réseaux sociaux, dont on commence à peine à mesurer les impacts sur le développement cognitif et psychologique des jeunes.
Dans tous les cas, l’enjeu de la maîtrise de la langue chez nos futurs enseignants n’est pas une nouveauté. Il y a plus de 10 ans, un professeur de l’UQAR faisait une sortie médiatique pour décrier les graves lacunes qu’il observait chez ses étudiants depuis plusieurs années.
D’abord, il faut reconnaître que nos facultés d’éducation ne sont pas très sélectives. Nos programmes en enseignement ne sont pas contingentés. On promet d’ailleurs d’élargir le bassin dans lequel on ira puiser nos étudiants dans les prochaines années, afin de répondre à la pénurie.
Ensuite, la conception que nous avons du travail enseignant a aussi beaucoup changé. L’enseignant n’est plus conçu comme un maître: il est un accompagnateur. Notre rejet du mot «maître» n’est pas anodin, puisque ce dernier renvoie précisément à l’idée d’excellence, de maîtrise, ces vilains mots qui ne sont pas assez «inclusifs».
D’ailleurs, l’école est désormais conçue comme une extension de la vie quotidienne. L’enseignant n’a plus à adopter un niveau de langue soutenu, à servir de haute référence pour les élèves. Puisque l’école est le reflet de la vie quotidienne, l’enseignant peut s’y exprimer en langue courante.
On propose donc de réviser le TECFÉE dans cet esprit. C’est bien ce qu’il faut comprendre de la langue de bois académique qui affirme qu’on rendra le test «plus pertinent et adapté à la réalité des enseignants», tout en augmentant les exigences. Dans les faits, on propose que le test se rapproche davantage des tâches effectuées par les enseignants dans la «vraie vie»: écrire un courriel à des parents ou à la direction, corriger la langue dans les travaux d’élèves. On recommande même qu’ils soient autorisés à utiliser Antidote pour la portion rédaction du test, puisque cet outil leur est accessible dans la «vraie vie». L’ancien test mobiliserait un vocabulaire «qui date du vingtième siècle» qui n’est plus d’actualité, comme le qualifiait une étudiante dans le journal étudiant de l’UQTR, le 13 octobre 2020.
Or, il faudrait se rappeler une chose: la langue est au cœur de l’activité enseignante, et elle est une condition essentielle à l’apprentissage. C’est connu, l’exposition précoce à un niveau de langue soutenu – j’entends ici un vocabulaire riche, varié, qui n’est pas celui de la vie de tous les jours, et la formulation de phrases complexes, bien construites syntaxiquement – est un avantage inestimable pour l’ensemble des apprentissages qui suivront. À ce titre, les enseignants ont un immense rôle à jouer. Ils doivent être des modèles linguistiques, afin d’offrir ce cadeau qu’est la langue aux jeunes générations.
Antidote ne sera d’ailleurs d’aucune utilité aux futurs enseignants pour la majorité des interactions qu’ils auront avec leurs élèves, puisque celles-ci seront spontanées. Pour le reste, encore faut-il qu’ils utilisent les outils dont ils disposent, ce qu’ils ne font pas systématiquement dans leurs travaux.