Système de santé: qui prend les patients en otage?
TVA Nouvelles
Un propriétaire de logements signe un contrat de déneigement pour 2 ans. À son échéance, malgré le bon travail accompli du déneigeur, il décide de ne pas renouveler le contrat et de cesser de le payer en espérant qu’il allait continuer à gratter les cours de ses logements. Le déneigeur refuse de poursuivre bénévolement. Les locataires et leurs voitures sont laissés à eux-mêmes avec plusieurs pieds de neige. Qui les prend en otage? Le propriétaire ou le déneigeur?
C’est exactement ce qui se passe entre le ministre de la Santé, les médecins de famille et vous, chère population. C’est dans un contexte d’un manque de plus de 1500 médecins de famille au Québec, d’une population qui a des besoins croissants en soins, entraînant un manque criant d’accès aux soins, qu’il y a eu une entente entre le gouvernement du Québec et les médecins de famille au printemps 2022.
Cette entente permettait aux médecins de famille, sur une base volontaire, l’inscription collective de patients, c’est-à-dire d’augmenter l’accès aux soins à la population en faisant autrement: ne pas être inscrit auprès d’un médecin, mais auprès d’un groupe de médecins, offrir une meilleure pertinence des consultations (GAP), appliquer un forfait de 120$ par patient pour notamment engager des professionnels, réorganiser les bureaux pour ce personnel, etc.
L’objectif ciblé par le gouvernement: inscription de 500 000 Québécois. C’est tous les Québécois qui ont gagné ce pari, car à ce jour 950 000 ont été inscrits collectivement. Cette nouvelle approche, développée par des médecins du Bas-Saint-Laurent, s’appuyait sur un nouveau modèle de pratique médicale, le patient au bon professionnel, une équipe de soins pour tous les Québécois, de façon juste, équitable, basée sur les besoins réels.
Est-ce que c’était perfectible? Oui! Pour la première fois depuis des années, nous avions une augmentation d’accès aux soins, même si la pénurie de médecins et de professionnels s’accentuait. Cette entente se voulait un pont vers une réorganisation plus profonde de l’accès aux soins en première ligne au Québec: alléluia!
Coup de théâtre! Malgré une réussite inespérée, le ministre de la Santé décide de façon unilatérale de mettre fin à l’entente et à son financement. Or, il souhaite que nous poursuivions tout de même, tout comme le propriétaire à logements. Qui prend les patients en otage?
Il est inacceptable d’affirmer que la priorité au Québec est l’accès aux soins de première ligne quand on détruit sa première réussite depuis des années, quand on y met seulement 5% du budget du réseau de santé, quand on nomme un CA de Santé Québec tout en excluant ses experts: les médecins de famille. La population a besoin d’une première ligne forte. Pourtant, les décisions du ministre ne font que l’affaiblir au détriment de ceux qui ont le plus besoin de soins.
À vous, chers patients, pris en otage par notre ministre de la Santé, j’avoue être coupable d’avoir fait confiance à ce gouvernement, d’avoir embarqué dans cette entente, d’avoir convaincu des collègues d’en faire autant pour ouvrir nos portes aux patients orphelins via le GAP.
Notre volonté était d’offrir des soins équitables à toute la population et non seulement à nos patients inscrits. Ceci était impossible sans ressource supplémentaire, mais de plus en plus atteignable grâce à cette entente.