
Stop à la culture des diètes!
TVA Nouvelles
Le désir de perdre du poids en début d’année est un phénomène de société dont il est bien difficile de se dissocier.
Comme plusieurs, on pourra avoir envie d’essayer la nouvelle diète amaigrissante « personnalisée » supposément sans interdits, que l’on qualifie de nouveau mode de vie. Toutefois, sans le savoir, ce sera fort probablement au détriment de notre santé physique et psychologique.
On pourra ressentir de la déception et même de la colère, si on apprend aujourd’hui que toutes les diètes sont vouées à l’échec. Selon plusieurs études rigoureuses, 86 % à 94 % des gens ayant suivi une diète amaigrissante ont repris le poids perdu, deux ans ou plus après la fin de la diète. Et si l’on s’attarde au faible pourcentage des gens qui semblent réussir à maintenir leur perte de poids, on constate qu’ils le font à coups d’efforts démesurés, dictés par la culture des diètes : ils montent sur le pèse-personne quotidiennement, s’entraînent au minimum 60 minutes par jour, restreignent les matières grasses et consomment en moyenne moins de calories qu’un enfant de 5 ans.
Oui, l’industrie de l’amaigrissement vit de ses échecs en misant sur nos insatisfactions dans le seul but de s’enrichir. Et malheureusement, ce sont les personnes qui suivent les diètes qui vont s’imputer la responsabilité de l’échec répété, sans nécessairement remettre en question la méthode utilisée.
La plupart du temps, la culture des diètes s’invite dans nos pensées sans que l’on s’en rende nécessairement compte. Elle veut nous faire croire qu’il faut absolument perdre du poids pour correspondre au modèle de minceur proposé et être en santé. On s’occupe d’un chiffre tout en oubliant l’être humain. Au point où il est maintenant difficile de concevoir que la santé n’est pas liée au poids.
En 2019, l’industrie de l’amaigrissement a généré tout près de 10 milliards $ en revenus. C’est beaucoup d’argent qui va dans les poches de pseudo-experts sans formation sérieuse, qui ne sont pas encadrés par un ordre professionnel et qui galvaudent la science au gré de leurs expériences personnelles. Poids perdu ou non, les conséquences sur la relation avec la nourriture seront dommageables. On peut se mettre à calculer ce que l’on mange, manger en cachette et avoir honte de manger, ressentir de la culpabilité par rapport à nos choix alimentaires, manger différemment des autres pour perdre du poids et ne plus ressentir de plaisir à manger.
Si la santé est notre priorité, c’est de celle-ci que l’on devrait réellement s’occuper. Parmi les principaux déterminants de la santé, on trouve plusieurs comportements sains, qui ne sont pas associés au fameux chiffre sur la balance. On pourrait, par exemple, vérifier si certains aspects de notre alimentation peuvent être améliorés, comme le fait de cuisiner plus souvent ou de porter davantage attention à nos sensations d’appétit. On pourrait s’attarder à notre consommation d’alcool, à notre niveau d’activité physique et si l’on peut bouger davantage, à notre capacité à gérer notre stress et au fait de fumer ou non. Quel que soit notre poids, on a toutes et tous intérêt à manger des aliments nutritifs, à jouer dehors, à bien dormir, à développer notre confiance en soi et à avoir des ressources pour bien gérer son stress. Si l’on considère l’ensemble de nos comportements et habitudes de vie, nous avons tous un certain pouvoir sur notre santé, sans avoir besoin d’une diète amaigrissante à fort prix.
Karine Gravel, Dt.P., Ph. D. nutritionniste, docteure en nutrition et autrice du livre De la culture des diètes à l’alimentation intuitive (KO Éditions).
Annie Ferland, Dt.P., Ph. D. nutritionniste, docteure en pharmacie et fondatrice de Science & Fourchette.