Six ans plus tard, The Athletic a gagné son pari
Radio-Canada
La création de The Athletic en janvier 2016 a changé le paysage médiatique sportif en Amérique du Nord. Le site prenait alors le pari que des amateurs de sport seraient prêts à payer afin d’accéder à de longs articles et des reportages de fond. Six ans plus tard, avec environ 1,2 millions d’abonnés, le média a été vendu mercredi au prestigieux New York Times pour la somme colossale de 550 millions de dollars américains.
Emna Achour faisait partie de l’équipe de journalistes mise en place à la création du chapitre montréalais, en septembre 2017. Jamais elle n’aurait prédit un tel succès à son ancien employeur au moment de quitter, il y a trois ans et demi. Je n’aurais pas prédit ça. Je ne comprenais pas comment ils pouvaient être viables dans une industrie comme celle-là.
Mais en recrutant des journalistes locaux bien connus dans presque toutes les grandes villes aux États-Unis et au Canada, le média a rapidement installé sa crédibilité et est devenu une référence en matière d’information sportive sur le continent. C'est notamment une de ses journalistes qui a conduit l'enquête sur les inconduites sexuelles de l'entraîneur Paul Riley, dans la National Women's Soccer League.
Le choix du modèle payant avait toutefois suscité beaucoup d’étonnement. Quand Emna Achour s’est faite approchée pour rejoindre The Athletic, elle travaillait pour LNH.com. Elle et ses collègues entretenaient à peu près tous le même scepticisme, en voyant l’arrivée de ce nouveau joueur.
« L’industrie n’allait pas bien. On était tous sur le point de perdre nos jobs dans les médias traditionnels, et là deux gars de Silicon Valley voulaient nous donner des emplois, avec des salaires décents. Et ils voulaient faire de quoi de lucratif avec ça. On ne comprenait pas trop! »
Ces deux hommes sont Alex Mather et Adam Hansmann, deux fondateurs aux poches profondes, ce qui a joué un rôle clé dans le succès de l’entreprise, selon Emna Achour. Ils avaient le portefeuille pour déraciner des vedettes comme Arpon Basu, Pierre LeBrun de leur ancien emploi. C’était audacieux. Et ils en récoltent les dividendes aujourd’hui.
Mais le chemin n’a pas été facile. Les coupes dans les salles de rédaction ont été nombreuses et fréquentes; en juin 2020, environ un employé sur dix a été mis à pied.
Ils ont brûlé 140 ou 150 millions de dollars ces dernières années, fait savoir Patrick White, professeur à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal. Mais les investisseurs savaient qu’un jour, leur site allait valoir très cher. Et c’est ce qui s’est produit.
Les salles de rédaction du site n’ont pas seulement été le théâtre de plusieurs coupures, mais aussi de quelques désillusions, comme le raconte Emna Achour, qui s’est depuis réorientée professionnellement.