
Salaire minimum, immigration et marché du travail : les enseignements de David Card
Radio-Canada
Les travaux du Canadien David Card, qui vient d’être nommé « Nobel d’économie », ont bousculé les certitudes de certains économistes de tendance néoclassique. S’extirpant des idées préconçues et théoriques, David Card a démontré, dans les années 80 et 90, que l’approche par l’expérience naturelle était plus révélatrice de la réalité économique.
À l'époque, nos conclusions étaient plutôt controversées. Plusieurs économistes étaient sceptiques face à nos résultats, a reconnu David Card après avoir été informé en début de semaine de l’obtention, avec deux autres économistes, du prix 2021 de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel.
Les travaux de David Card, Joshua Angrist et Guido Imbens, ce sont des travaux qui font appel à l’expérience naturelle, nous a expliqué à Zone économie mardi l’économiste québécoise Marie Connoly, une amie de David Card. Ils vont regarder où se trouvent les variations dans l’économie pour tenter d’identifier des liens de cause à effet.
Elle explique que, dans le cas de David Card, il a regardé ce qui s’est passé naturellement en comparant le New Jersey, où il y avait eu une hausse du salaire minimum, et la Pennsylvanie, où il n’y avait pas eu de hausse de salaire minimum. C’est cette expérience naturelle qui lui a permis d’aller détecter l’effet de la hausse du salaire minimum.
Ainsi, le 1er avril 1992, le salaire minimum au New Jersey est passé de 4,25 $ à 5,05 $ l’heure, une hausse de 19 %. David Card a évalué l’impact de cette politique sur la réalité économique de 410 établissements de restauration rapide au New Jersey et dans l’est de la Pennsylvanie. Il est arrivé à la conclusion que rien n’indiquait que la majoration du salaire minimum avait pu provoquer une réduction du nombre d’emplois.
Selon l’économiste Jean-Luc Landry, cette expérience est révélatrice, mais il ne faut pas croire pour autant que toutes les hausses du salaire minimum n’ont pas d’effet économique négatif. Il privilégie une croissance modérée du salaire minimum. Si on dépasse un certain niveau, nous a-t-il dit à Zone économie mardi, soit à peu près la moitié du revenu moyen, là on commence à avoir un effet qui est néfaste.
Il rejoint ici l’économiste Pierre Fortin, qui affirmait en 2016 qu’un passage abrupt à 15 $ l’heure au Québec aurait pu mettre à risque 100 000 emplois, une véritable « bombe atomique », disait-il, pour l’économie. Il privilégiait alors, et c’est toujours le cas aujourd’hui, de ne pas dépasser la barre de 50 % du salaire moyen.