Royaume-Uni : début de mandat catastrophique pour Liz Truss
Radio-Canada
La première ministre britannique Liz Truss est en fonction depuis à peine un mois, mais elle bat déjà des records d’impopularité, sans oublier la fronde au sein de ses troupes conservatrices, divisées au sujet de son programme socioéconomique. Pourquoi une telle débâcle? Combien de temps pourra-t-elle tenir à son poste?
Pour le savoir, nous avons posé cinq questions à Tereza Capelos, professeure adjointe en psychologie politique à l’Université de Birmingham.
Nous l’avons rencontrée dans cette ville du centre du pays où s’est déroulé le congrès annuel du Parti conservateur, qui fut un baptême de feu mouvementé pour Mme Truss autant comme dirigeante du parti qu'à titre de cheffe du gouvernement.
Radio-Canada : Tout d’abord, que savaient les Britanniques au sujet de Liz Truss lorsqu’elle est arrivée au pouvoir?
Tereza Capelos : Pas grand-chose, à part le fait qu’elle avait la réputation d’être une proche de Boris Johnson et qu’elle avait changé d’avis au sujet du Brexit pour se rallier à cette cause après s’y être opposée. Liz Truss n’apparaissait pas souvent dans les bulletins de nouvelles. Normalement, quand il y a une course à la direction d’un parti, les gens peuvent se faire une idée sur les candidats pour en apprendre davantage sur leur caractère. Et ce qu’ils examinent, ce sont quatre traits clés : leadership, compétence, degré d’empathie et intégrité, surtout en ces temps de crise, avec la flambée des prix de l’énergie et une guerre à nos portes [en Ukraine, NDLR]. Sans compter qu’au sein des conservateurs, il y avait beaucoup d’angoisse à propos de la suite des choses après qu'on eut montré la porte de sortie à Boris Johnson.
Dans ce contexte difficile, un nouveau leader doit faire preuve d’une grande intégrité pour pouvoir gérer la situation. Mais il doit aussi faire preuve de compassion pour être au diapason des Britanniques et de l’opposition, pour les rassurer et pour leur faire comprendre que le pays est entre bonnes mains. Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé. Au lieu de cela, Liz Truss a pris pour modèle Margaret Thatcher [ancienne première ministre et figure emblématique des conservateurs, NDLR], reconnue pour sa force mais pas pour avoir fait preuve d’une grande compassion.
Radio-Canada : Liz Truss est une néolibérale, comme l’était la Dame de fer… Mais au-delà de cette idéologie commune, qu’est-ce qui peut la pousser à réincarner ce style des décennies plus tard?
Tereza Capelos : C’est une tactique psychologique pour tenter de rallier les troupes conservatrices. Si vous êtes capable de convaincre que vous avez le même jugement qu’une personne qui en imposait, cela peut vous ouvrir des portes et vous aider à faire accepter plus facilement vos positions. Est-ce une bonne stratégie dans le contexte actuel? Je ne crois pas. Cela comporte des risques. Tout d’abord, ça montre que Liz Truss n'est pas capable de développer son propre style : c’est un manque de leadership. De plus, le Royaume-Uni avait besoin d’un renouveau pour trouver des solutions adaptées à de nombreux problèmes, certains anciens, d’autres plus nouveaux. Et le Parti conservateur, en déroute dans l’opinion publique, aurait pu bénéficier de ce contexte. Ça aurait été un tournant au lieu d’avoir un leader qui se base sur un fantôme et sur des solutions du passé.
Radio-Canada : Liz Truss peut-elle remonter la pente dans l'opinion publique et au sein du Parti conservateur?