Romans d’ici: pourquoi ça tourne mal
Le Journal de Montréal
Comment en arrive-t-on à exploser de violence ? Par bien des chemins, parfois inattendus, que Stéphane Brulotte explore pas à pas, avec intelligence.
Un homme rentre de son jogging matinal, le bras en sang, et tente de se cacher de sa femme et de ses enfants. Ainsi s’ouvre Le vol de l’urubu, premier roman de Stéphane Brulottte, qui nous maintient pendant des pages dans un trouble intrigant.
Si Richard a à ce point envie de s’effacer, c’est qu’il aimerait bien oublier les événements qui ont mené au fait qu’un chien l’a attaqué et profondément mordu. Car comment lui, le pacifique, le distrait, l’homme bon a-t-il fini par se retrouver dans une histoire digne d’une intervention policière ?
Remontent alors en lui ses souvenirs d’enfant intimidé, et l’absence d’appui de sa mère qui tenait à ce qu’il aille au front. Un autre type de douleur à affronter.
Mais quand on arrive au tiers du roman, le point de vue change totalement ! La parole appartient cette fois à Benoît, l’homme au chien, celui à qui Richard s’est confronté.
Benoît a un tout autre passé : un caractère irascible, un père violent et l’habitude de se défendre. Il sait frapper, ce qui l’a un jour conduit en prison où enfin, en dépit de l’extrême dureté du milieu, il trouvera une activité pour l’apaiser : la peinture. Ce sera dorénavant sa manière de gagner sa vie.
Une fois sorti, sa fille, jusque-là inconnue, frappera à sa porte. Elle va veiller sur lui, même lui offrir un chien comme compagnon. La vieillesse de Benoît est plus douce que ses jeunes années. Mais est-ce suffisant pour éteindre tous les feux qui brûlent en lui ?
Un récit à plusieurs niveaux
En opposant deux personnalités aussi différentes — quoique Benoît soit rendu avec plus de finesse —, Stéphane Brulotte fait voir ce qu’il y a d’instinct animal dans l’humain. Il n’oublie pas pour autant le troisième élément de l’affrontement : le chien lui-même ! Il a la bonne idée de nous glisser dans ses pensées.