REM de l’Est à 36 G$: considérer «le coût de ne rien faire»
Métro
Sans transport structurant, on ne pourra pas revitaliser l’Est de Montréal, estime Jean-Denis Charest, président-directeur général de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM) depuis septembre 2021.
Deux mois après le lancement du nouveau mouvement citoyen, «D’est en Est», il presse les paliers de gouvernement provincial et municipal de faire avancer le projet du REM de l’Est, dont une nouvelle mouture du projet chiffrée à 36 G$ a été dévoilée. Une condition clé à la revitalisation de ce secteur, un «rattrapage historique» dû, selon M.Charest.
On demandait que tout soit réalisé le plus rapidement possible, dans une dizaine d’années. C’est des grands travaux et c’est normal que ça prenne plusieurs années. Il faut lancer un signal fort aux investisseurs que ce projet va se faire, pour que les gens aient confiance et la certitude de comment va se développer l’est de Montréal. On doit relever les manches, préciser le projet, et travailler à faire que ce projet soit réalisé dans un budget somme toute acceptable. On a dévoilé un rapport, mais le vrai travail doit se faire à partir d’aujourd’hui, et il doit se faire rapidement. C’est la responsabilité de Québec et la Ville de Montréal.
Je n’ai entendu aucun politicien disant qu’on ne fera pas de transport collectif dans l’Est. Bien sûr, quand on voit une facture de 36 milliards pour un projet pas totalement ficelé, je peux comprendre la réaction du premier ministre. On est dans un contexte de gestion de projet public alors il faut regarder le budget. Il faut faire des choix, phaser le projet, regarder comment on peut gérer certaines économies. L’autre élément à regarder: le coût de ne rien faire. On n’en parle jamais. Le fait que l’Est soit enclavé a un coût énorme. On n’a pas le choix de se relever les manches, trouver un projet et ça, c’est la responsabilité du gouvernement et de la ville de Montréal. Et il faut le faire rapidement, au cours des prochains mois. On est un peu condamné à réussir.
Ça va rester des sommes importantes, mais des bénéfices extrêmement importants aussi. Il faut changer la façon de voir le développement du transport collectif. Il faut changer notre façon de voir le retour sur investissement de ces projets. On ne peut pas baser l’analyse de rentabilité sur la simple analyse du nombre de citoyens présents sur le territoire et du nombre de transferts modaux. Lorsqu’on s’est posé la question de si on voulait bâtir un pont entre la Rive-Sud et l’île-de-Montréal, si on avait fait une enquête origine-destination, on se serait dit qu’on n’en aurait pas besoin car les gens ne traversaient pas le fleuve à la nage. Les gens ne se déplacent pas car l’offre n’est pas là.
L’attractivité globale de l’est doit être un chantier majeur. L’idée n’est pas simplement de transporter des personnes d’un point A à un point B, mais c’est aussi d’attirer des gens dans l’est. On est en pleine crise du logement, le meilleur levier pour bâtir, c’est le transport collectif. Il faut attirer des investissements pour développer les terrains contaminés de l’est. La logique dicterait que la création de logements se ferait autour des stations créées. On devrait construire à proximité. Comment générer de la densité autour de ces stations? Lorsque la dette historique rencontre une opportunité historique, on n’a pas le choix d’y arriver.
Il faut les désenclaver. On doit s’assurer qu’on investit dans ces milieux de vie pour qu’ils soient de qualité. C’est aussi assurer l’accès à l’éducation aussi. Comme avec la ligne bleue, qui mènerait à l’Université de Montréal. Il faut utiliser le développement économique comme vecteur de transformation positive des territoires. En facilitant la mobilité, on facilite l’accès à l’éducation, aux soins de santé, on travaille sur les iniquités sociales. Ça permet également à des gens de contribuer encore plus à l’économie. […] Le désenclavement du territoire doit être vu comme un investissement social. On ne peut plus analyser l’origine et la destination de manière simpliste, ça ne fonctionne pas. Je pense aussi qu’il faut être réaliste financièrement, mais il y a une marge entre les deux. Il faut permettre au nord de réaliser son plein potentiel, permettre à tous ces gens-là d’avoir les mêmes données socio-économiques que partout ailleurs.