Rater la cible, un mini-hôpital privé à la fois
TVA Nouvelles
Québec annonçait la semaine dernière le lancement d’un appel d’offres pour le premier de ses deux projets de mini-hôpital privé. Complémentarité et accessibilité, ce sont là des concepts scandés par le gouvernement de la CAQ qui persiste et signe : l’amélioration de notre réseau de la santé et des services sociaux passe par le privé.
Pour le Conseil central du Montréal métropolitain–CSN et le Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches–CSN, ces deux projets n’atteindront pas les cibles promises. Ils accentueront les problèmes d’un réseau public qui peine à survivre face au manque de financement et aux réformes qui ouvrent la porte à la marchandisation des soins et à la privatisation.
C’est la vision du gouvernement Legault. Un gouvernement d’hommes d’affaires qui n’a qu’un indicateur de réussite : le profit.
L’idée que le secteur privé est complémentaire à celui du public est un mantra dogmatique utilisé par le ministre Dubé qui fait abstraction des faits. Le réseau public subit une grave crise de la main-d’œuvre partout au Québec. Les salles d’opération et les différentes unités de soins ne réussissent pas à augmenter la cadence par manque de personnel. Les heures supplémentaires et l’appel à la main-d’œuvre indépendante sont maintenant le quotidien du réseau. Pendant ce temps, on assiste, avec un sentiment d’impuissance pesant, à un exode des travailleurs, épuisés, vers le privé, qui leur offre une alternative rapide.
Parce que le ministre Dubé peut bien le répéter tous les jours pour essayer de nous convaincre – que le privé vient soutenir le secteur public –, rien n’est plus faux. Les chiffres, entre autres proposés par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, sont clairs : le bassin de travailleurs est le même pour le public et le privé. Aucune aide, aucune complémentarité et aucune amélioration de l’état du réseau public. Au contraire, on aggrave la situation, on renonce à nos leviers de décisions et on laisse toute la place à la marchandisation des soins de santé.
D’où proviendront les travailleurs et les médecins de ces futurs hôpitaux privés ? Il y a d’ores et déjà de la compétition entre les campagnes de recrutement perçues dans les bouches de métro de l’Île de Montréal et dans celles des médias locaux de Québec–Chaudière-Appalaches. Ne soyons pas surpris quand le recrutement sera fait directement dans les cafétérias de nos établissements publics.
Presque l’ensemble de la première ligne au Québec est actuellement assuré par des entreprises de prestations de soin privées, pourtant financées publiquement. Nous n’en sommes pas toujours conscients, mais les groupes de médecine de famille et les super-cliniques sont, en grande majorité, des entreprises privées. Autre fait souvent inconnu par la population, presque tous les médecins au Québec sont des travailleurs autonomes, qui facturent l’État à l’acte et qui peuvent même s’incorporer.
Les nombreux lobbys du privé et des médecins, en particulier celui des spécialistes, ont démontré leur incapacité à apporter des solutions efficaces. L’ensemble des acteurs privés ont échoué lamentablement dans l’amélioration et l’accessibilité aux soins au Québec. Les tableaux de bord du ministre nous le démontrent presque en temps réel. De persister vers ces modèles inefficaces est irresponsable. C’est de l’entêtement qui maintient les problèmes du réseau[UF1] .
Ne nous laissons pas endormir par ces forces du statu quo qui se soucient davantage d’augmenter leur revenu que d’augmenter l’accessibilité aux soins. Nous devons poursuivre le travail réalisé lors de la création de la RAMQ et de notre réseau public et nous lancer vers un mouvement de déprivatisation. Il faut innover pour vrai, intégrer complètement les médecins au réseau public et sortir le privé de l’équation afin d’avoir un plein contrôle sur nos services.