Résidence pour aînés autochtones : si près des siens, mais si loin de sa culture
Radio-Canada
Tous les soirs, Patrick est là, sous le balcon de Margot. Les employés de la résidence pour aînés de Pessamit surnomment le duo « Roméo et Juliette ».
Margot Rock vit ici, dans un appartement, depuis quatre ans maintenant. Elle est la plus jeune des pensionnaires de la résidence de cette communauté innue, située sur la Côte-Nord, entre Forestville et Baie-Comeau. Ils sont neuf au total.
Margot Rock n’a que 60 ans. Mais elle a souffert de plusieurs ruptures d’anévrisme qui ont affecté son cerveau et lui ont fait perdre l'usage d'un œil. D’abord à Baie-Comeau, elle a été transférée ici lorsque la résidence a ouvert ses portes, en 2018. Ma sœur voulait vraiment que je revienne dans la communauté. Je suis heureuse d’être de retour, dit-elle.
Les résidences pour aînés dans les communautés sont encore rares. Elles sont une rupture profonde avec le mode de vie des Autochtones. Pendant longtemps, les enfants prenaient soin de leurs grands-parents à la maison. Ils vivaient ensemble, sous le même toit.
On gardait des liens intergénérationnels : les aînés ont besoin d’être auprès de leurs enfants autant que l’inverse. Ils sont notre noyau pour préserver notre identité et notre sentiment d’appartenance, explique Marie-Claude Riverin, la gestionnaire de la résidence.
Mais dans le contexte actuel, les choses ont changé : la crise du logement dans les communautés a multiplié le nombre d'âmes vivant sous le même toit. Grands-parents, enfants et petits-enfants commençaient à se marcher dessus dans un espace peu adapté.
Les enfants travaillent et ça requiert beaucoup d’énergie pour s’occuper de leurs parents. Ils n’ont plus le temps, explique encore Mme Riverin, qui évoque une usure de la compassion. Ils sont tellement épuisés à prendre soin de leurs aînés qu’ils s’oublient eux-mêmes, ajoute-t-elle.
Je suis contente d’être ici, dans ma communauté. Tout le monde se connaît et mon fils n’habite pas loin, dit aussi Margot Rock.
Au rez-de-chaussée vivent huit autres aînés, chouchoutés par six préposées aux bénéficiaires. Elles sont toutes innues, sauf une. Elles parlent toutes l’innu-aimun, sauf une. Un luxe pour les pensionnaires qui, bien souvent, comprennent le français mais sont beaucoup plus à l’aise dans leur langue maternelle.