
Quels sont les risques réels d’invasion de Taïwan par la Chine?
Radio-Canada
Taïwan a donné le coup d’envoi de ses plus importants exercices militaires annuels, lundi, alors que l’invasion russe de l’Ukraine a renforcé la crainte que Pékin ne fasse de même avec l’île démocratique. Les rues de Taipei étaient désertes en après-midi. Les citoyens taïwanais devaient participer à un exercice d’attaque aérienne en restant à la maison ou en allant se réfugier dans des abris antimissiles.
Un grand nombre d’experts et d'analystes font un parallèle entre la guerre en Ukraine et ce qui attend Taïwan. Selon certains observateurs, ce ne serait qu’une question de temps, comme le laissait entendre la CIA la semaine dernière.
La politologue Valérie Niquet, spécialiste de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, a publié au mois de mai l’ouvrage intitulé Taïwan face à la Chine. Notre correspondant en Asie, en poste à Taïwan, s’est entretenu avec elle.
Valérie Niquet : C’est vrai qu’avant la guerre en Ukraine, on pouvait imaginer que les Chinois et notamment le président Xi Jinping fassent un mauvais calcul, emportés par l’idée que la Chine est devenue une très grande puissance et qu’elle avait la capacité d’envahir Taïwan.
À mon avis, la guerre en Ukraine a plutôt fait reculer ce risque-là. Pour une raison très simple, c’est que Pékin, qu’on le veuille ou non, que Xi Jinping le souhaite ou non, a vu très clairement la difficulté qu’il y avait à lancer une opération militaire de cette envergure pour envahir un autre pays. Même si Taïwan est plus petit que l’Ukraine, il y a tout de même plus de 20 millions d’habitants. C’est un relief extrêmement difficile et, surtout, c’est un détroit de mer de quasiment 180 kilomètres de large.
Une préparation d’invasion de Taïwan, ça mettrait des mois et, évidemment, les États-Unis le verraient et se prépareraient de leur côté. Quelle que soit leur riposte, ils feraient quelque chose.
La Chine a également constaté que plusieurs sanctions économiques ont été mises en place. Même si on peut s'interroger sur l’efficacité immédiate de ces sanctions, on s’aperçoit qu’il y a eu une réaction. L’économie chinoise est bien plus puissante que celle de la Russie, mais elle est aussi bien plus dépendante de celles du monde extérieur. Si la Chine n’a plus accès au système financier, elle n’exporte plus. Les exportations, ça reste encore ce qui tire la croissance chinoise.
Devant ce qui s’est passé en Ukraine, tout d’un coup, les Taïwanais s’aperçoivent aussi qu’on peut résister et qu’il ne faut pas se démoraliser. Là aussi, la résistance risque d’être plus importante que ce que pensait Pékin.
Avant le Congrès [Le 20e congrès du Parti communiste chinois prévu cet automne et lors duquel Xi Jinping deviendra probablement le premier président à obtenir un troisième mandat, NDLR], certainement pas, dans la mesure où, au contraire, le but est que tout reste le plus calme possible et qu’il y ait le moins de vagues possible, que ce soit à l’intérieur de la Chine ou à l’extérieur.