Quand les fermes... ferment
Radio-Canada
« C’est une job de coeur! Tu ne peux pas t’acheter une ferme et penser que tu vas rembourser ça avec des radis pis des carottes en bottes. C’est plate, mais c’est ça. » Cette leçon, Jinny Marcotte l'a apprise à la dure. Excédée, elle a accroché son râteau pour toujours une fois ses dernières betteraves et rabioles cueillies l’automne dernier.
La maraîchère de Drummondville n’est pas la seule à fermer ses jardins cette année. Si le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et l’Alimentation (MAPAQ) ne détient pas de chiffres officiels sur le nombre de fermiers qui ne retourneront pas dans leurs champs l’été prochain, Radio-Canada Estrie en a recensé au moins cinq dans la région.
Les maraîchers rencontrés par Radio-Canada sont unanimes : les lourdeurs administratives dans leurs relations avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du QuébecMAPAQ, les difficultés à obtenir des subventions, mais surtout la petitesse - voire l’absence - des revenus ont eu raison de leur passion pour le métier de fermier.
Jinny Marcotte, comme tous les autres ex-maraîchers rencontrés, avait pourtant fait ses devoirs avant de se lancer dans l’aventure agricole. Retour sur les bancs d’école dans le domaine horticole, rédaction d’un plan d’affaires, suivi avec des professionnels de l’agriculture, planification de la production de légumes au quart de tour, investissements financiers importants : tout était en place pour que son entreprise ait du succès. Et pourtant, ses rêves ont rapidement fait place aux cauchemars.
Les producteurs étaient bien conscients que les possibilités de faire fortune dans le monde agricole étaient minces. Par contre, ils ne s’attendaient pas à ce que leurs revenus soient à ce point faméliques.
J’ai trippé à faire pousser des légumes. On travaillait si fort pour… rien comme rémunération. Ça faisait trois ans qu’on n’était pas capables de se verser de salaire. On avait des employés, mais nous autres, on n’était pas capable de se verser de salaire. À 16 heures par jour, à un moment donné, tu décroches, raconte André*, un maraîcher de la région de Granby.
« Une chance que j’avais de l’argent de côté. Je ne me suis pas pris de paye. On a vécu avec le salaire de mon chum l’été passé. J’ai recommencé à travailler dans mon ancien domaine. Je suis retombée riche, ça n'a pas été long! »
Tous ceux qui se lancent en affaires le disent : les premières années sont critiques d’un point de vue financier. Jinny Marcotte le savait et était prête à prendre le risque. C’est sûr que la première année, c’est normal d’arriver en dessous. N’importe quelle entreprise que tu démarres de zéro, la première année va être déficitaire.
Si elle était prête à essuyer des pertes, son plan d'affaires ne prévoyait pas que les déficits s'accumuleraient un après l'autre. Elle n'a eu d'autre choix que de se rendre à l’évidence. On s’est mis à calculer et mon chum m’a dit : "Je pense que ça va prendre 150 ans avant que ce soit rentable!" raconte-t-elle.