Quand l’art panse les vives plaies des militaires blessés
Radio-Canada
« Je me suis rendue compte que je me sentais comme de la marde. J'ai mis beaucoup de noir et fait beaucoup de barbeaux dans mon dessin. J'ai dû m'arrêter avant que ça aille plus loin. »
Karine* ne s'entendait pas à ce flot d'émotions lorsqu'elle a commencé à dessiner. C'est avec étonnement qu'elle a constaté à quel point ses petits coups de pastel gras sur cette grande feuille blanche étaient le reflet de ce qu'elle vit intérieurement depuis plusieurs mois.
Tous comme les autres participants présents à cette activité, Karine est une militaire en libération médicale. Ces vétérans ont dû accrocher leur képi parce que leur corps ou leur tête ne pouvaient plus effectuer leur travail au sein des Forces armées canadiennes. Certains sont dans la jeune trentaine. D'autres dépassent la cinquantaine. Mais tous n'étaient pas prêts à quitter la vie militaire de sitôt et encore moins de cette façon.
« Je pensais que j'allais bien, mais que j'étais un peu fragile. Quand j'ai fait mon dessin, j'ai réalisé que ce n'était pas le cas. Ça me montre que j'ai des choses à travailler même si je considère que je vais mieux. C'est un long processus. »
Cet atelier artistique est au cœur d'une retraite de trois jours appelée « L'escale », organisée par le Centre de ressources pour les familles des militaires. Le week-end dernier, des membres des Forces armées et leur conjoint s'étaient donné rendez-vous dans un hôtel d'Orford pour mieux comprendre les émotions qu'ils vivaient. Mais surtout, pour les accepter.
On leur propose des ateliers pour les aider à explorer ce qu'ils vivent au niveau de cette transition, des deuils, de la perte d'identité, ce qui est en lien avec les blessures, les maladies. On les amène à penser autrement. Quelles sont mes opportunités? Je suis qui moi au-delà de mon rôle, de ma carrière, de ma blessure? Vers où je m'en vais par la suite?, explique la travailleuse sociale de l'organisme, Audrey Gallant.
Sa collègue, Myriam Dutour, raconte que les activités ratissent large, mais qu'elles ont un but commun : aider les militaires à passer à la prochaine étape. Entre le yoga, l'art-thérapie et les conférences, les participants se racontent, s'écoutent. On parle du deuil, de leurs valeurs, qu'est-ce qu'ils vivent aussi. Les conjoints sont invités parce qu'ils vivent cette transition aussi. Le but, c'est aussi de leur faire découvrir d'autres moyens pour les aider.
« Quand on est ensemble comme aujourd'hui, on réalise que l'on passe tous par les mêmes affaires. On se sent moins seul avec nos bibittes. Les autres utilisent les mêmes mots que j'utilise. Ça fait du bien. »
Selon la travailleuse sociale Audrey Gallant, ils sont plusieurs à décider de consulter un professionnel à la suite de leur participation à cette retraite. Ça leur permet d'ouvrir les yeux sur des choses qu'ils ne pensaient pas ou sur des blessures qu'ils pensaient qui étaient guéries, mais qui ne le sont pas.