Protection de la biodiversité : l’Estrie à la croisée des chemins
Radio-Canada
En matière de création d’aires protégées, l’Estrie peut se vanter d’avoir accompli de grandes réalisations au fil des ans. Des milliers d’hectares de forêt ont été protégés par l’organisme Corridor appalachien et ses partenaires, grâce à une centaine d’acquisitions et de dons de terrains par des propriétaires fonciers. Mais, ce ne serait qu’une goutte d’eau dans l'océan, selon des organismes voués à la protection de l’environnement qui estiment qu’il faut plus que jamais donner un sérieux coup de barre pour augmenter le pourcentage de forêts protégées.
On a dépassé 15 000 hectares protégés à perpétuité. On peut dire: "wow, c’est super!" Mais, quand on regarde l’impact de nos actions, on a protégé 3,8 % du territoire sur lequel on travaille. [On] a beau être la région au Québec où ça roule le plus en conservation, [si] on combine nos efforts avec le prolongement du parc national du Mont-Orford, les autres aires protégées du gouvernement du Québec, on n’a même pas 8 % d'aires protégées en [Estrie], précise la directrice de l’organisme Corridor appalachien, Mélanie Lelièvre.
Le gouvernement du Québec doit, par ailleurs, présenter ce printemps sa première politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire. Même si aucune date précise n'a encore été annoncée par le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation, elle doit permettre, entre autres, d’encadrer les initiatives qui seront prises dans l’avenir pour assurer une meilleure protection des milieux naturels et un développement urbain plus durable.
Le Québec a réussi à protéger 17 % de son territoire et souhaite atteindre la cible de 30 % d’ici 2030 et cela en accord avec la Convention des Nations Unies sur la biodiversité biologique. Pour que cela se réalise, il faut plus que jamais faciliter la création d’aires protégées dans le sud de la province, selon Mélanie Lelièvre, qui affirme que l’adoption de cette future politique est fondamentale. On a de grandes attentes parce qu’on a vraiment besoin de ça pour la protection de la biodiversité. C’est là que ça va se jouer pour les prochaines années.
En décembre dernier, un groupe d’experts a publié le Livre blanc pour la protection de la biodiversité au sud du 49e parallèle. Il propose un plan Sud pour le Québec afin de mieux protéger les écosystèmes dans les zones où la conservation s’avère plus ardue en raison de la densification des activités humaines.
Pour y arriver, plusieurs solutions sont proposées comme simplifier la conservation des milieux naturels en terre privée. C’est justement le défi auquel fait face l’Estrie avec un territoire composé à 91 % de terres privées. D’autant plus que les grands dons ont déjà été réalisés et, pour le moment, il s’agit d’un travail de moine que d’aller grappiller des hectares à gauche et à droite, précise Mélanie Lelièvre qui croit que le temps est venu de faire les choses différemment. Il faut qu’on nous laisse utiliser d’autres types de mesures pour faire d’autres projets de conservation.
Nous, on va continuer d'être important pour une part des propriétaires qui veulent faire ça. Mais, on ne peut pas rester juste dans ce modèle-là. Il faut qu’on nous laisse utiliser d’autres types de mesures pour faire d’autres projets de conservation. On a une palette d’outils qui est large, mais ce qui est finançable par le ministère de l'Environnement, c'est très minime.
Geneviève Pomerleau du Conseil régional de l’environnement de l'Estrie croit aussi que le temps est venu de penser autrement et qu’il ne faut plus voir les aires protégées comme des cloches de verre. Une cloche de verre, c’est une réserve écologique en terre publique dans le nord du Québec. Dans le sud du Québec, on parle de nos milieux naturels dans lesquels on veut vivre.
La solution serait donc d’élargir et d’assouplir le concept d’aires protégées sans faire de compromis sur la qualité, selon les organismes. On pourrait faire des servitudes de conservations forestières qui permettent le maintien de la foresterie, l’acériculture, propose Mélanie Lelièvre. On devrait pouvoir faire des aires protégées polyvalentes.