Poutine et son crime d’agression contre l’Ukraine: appuyons la création d’un tribunal international spécial
TVA Nouvelles
Le président Vladimir Poutine a commis un crime d’agression contre l’Ukraine en planifiant, en préparant, en lançant et en exécutant un acte d’agression, qui s’est amorcé le 24 février 2012. Défini comme l’emploi des forces armées contre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’État ukrainien, ce crime est imputable au président de la Fédération de Russie et celui-ci s’est ainsi rendu coupable d’un crime international qui ne doit pas rester impuni.
Pour que Poutine ne reste pas impuni, encore faut-il pouvoir le traduire devant une juridiction qui est susceptible d’ouvrir une enquête, de soutenir un acte d’accusation, de délivrer un mandat d’arrêt et de conduire un procès. Adopté en 1998 et entré en vigueur en 2002, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) a créé une telle juridiction.
Le texte du Statut classe le crime d’agression parmi les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale. Il affirme aussi qu’il relève de la compétence de la Cour. Il faut toutefois attendre l’année 2010 pour que le crime d’agression soit défini et que l’on décrive les modes d’exercice de la compétence à son égard. Et ce n’est qu’en 2018 que l'Assemblée des États parties au Statut a décidé de déclencher la compétence de la Cour à l’égard de ce crime.
La Fédération de Russie ne fait pas partie du Statut de Rome et elle n’a ni accepté ni ratifié les amendements relatifs au crime d’agression adoptés en 2010. Il serait théoriquement possible d’ouvrir une enquête au sujet de la commission du crime d’agression par Vladimir Poutine si le Conseil de sécurité des Nations unies décidait de déférer l'affaire au Procureur de la CPI, en agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies. Il faut toutefois penser que la Fédération empêcherait l’adoption d’une telle décision du Conseil de sécurité en exerçant le droit de veto qu’il détient en sa qualité de membre permanent du Conseil.
Devant une telle impossibilité, une proposition de création d’une juridiction internationale spéciale circule actuellement et fait l’objet de débats au sein de la communauté internationale.
Formulé dans l'«Appel à la création d’un tribunal spécial pour la sanction d’un crime d’agression» lancé par d’éminentes personnalités issues des milieux juridiques, diplomatiques et politiques, et appuyé par le groupe d'Elders composé d’anciens secrétaires généraux, de commissaires aux droits de l’homme des Nations unies et de chefs d’État, cet appel déclare ce qui suit: «Dans un esprit de solidarité internationale [il est proposé] d'accorder la compétence découlant des codes pénaux nationaux et du droit international général à un tribunal pénal international spécialisé qui devrait être établi pour enquêter et poursuivre les individus qui ont commis le crime d'agression à l'égard du territoire de l'Ukraine, y compris ceux qui ont influencé ou façonné matériellement la commission de ce crime.»
Après mûre réflexion et à la suite d’un examen des arguments pour et contre la création d’un tel tribunal, je suis d’avis que cette proposition mérite d’être appuyée. Je joins ma voix à ceux et celles qui, aux quatre coins du monde, souhaitent que Vladimir Poutine soit traduit en justice pour le crime d’agression contre l’Ukraine. J’invite les Québécois et Québécoises à signer, comme l’ont déjà fait plus d’un million de citoyens et citoyennes du monde et comme je l’ai fait, la pétition «Poutine en justice» accessible à l’adresse https://secure.avaaz.org/campaign/en/prosecute_putin_loc.
Daniel Turp, professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université de Montréal