
Pourquoi Legault «proroge»
TVA Nouvelles
Remaniement, budget et prorogation: voilà trois outils principaux dont dispose un gouvernement pour se «relancer».
Comme le remaniement, la prorogation (qui met fin à la session parlementaire en cours), est habituellement le fait d'un gouvernement en difficulté.
Janvier 2011: Jean Charest a regagné sa majorité depuis moins de trois ans. Mais son taux d'insatisfaction est à 75%! «Comment le gouvernement va faire pour rétablir le lien de confiance et sa crédibilité?», s'interroge-t-on chez Léger Marketing à l'époque.
Le mois suivant, Charest choisit de proroger afin de prononcer un discours marquant. Il martèle la formule «j'annonce» à une quinzaine de reprises. Rétrospectivement, on sourit. Le premier ministre fait entre autres dans la micro-gestion scolaire au point d'annoncer que chaque classe aura un «tableau blanc intelligent»; que le vouvoiement des enseignants sera de nouveau la norme et que «les élèves de sixième année du primaire [consacreront] la moitié de leur année à l'apprentissage intensif de l'anglais».
Une décennie plus tard, on ne peut qu'être sceptique à l'égard de nombreux aspects de ce discours. Sans compter que le geste échoua à relancer le PLQ. Et dont la plupart des composantes furent éclipsées par des scandales et le «printemps érable».
Si la prorogation est relativement inefficace et que le gouvernement Legault - au sommet des sondages - n'a de toute manière aucunement besoin d'un survoltage... pourquoi proroger ?
Simple: à un an des élections, il veut lancer la campagne. Dans un régime de scrutin à date fixe, les partis sont, normalement, toujours (au moins un peu) en campagne. Or, la COVID a beaucoup réduit l'intensité de cette atmosphère électorale permanente. La CAQ au pouvoir fut (légitimement) obsédée par la crise. Elle cherchera à en sortir, afin de faire comprendre qu'elle souhaite réaliser ses promesses.
À ce chapitre, malgré la COVID, le gouvernement Legault a un bon score. Il aurait réalisé (en tout ou en partie) 81% de ses engagements, selon les politologues de l'Université Laval qui développent le Polimètre Legault. Comparons: en 2007, les universitaires évaluaient le taux de réalisation du 1er gouvernement Charest à 66%. Le Polimètre Couillard était plus reluisant: 81% (59% des promesses réalisées, 22% partiellement et 19% rompues). Cela ne lui permit pas de conserver le pouvoir!
François Legault a promis de respecter 100% de ses promesses. On sait déjà que ce ne sera pas le cas. Il a admis, l'hiver dernier, qu'il reportait la grande modification du mode de scrutin. En prorogeant, il annihilera sans doute le projet de loi 39, qui propose une proportionnelle. L'électeur moyen lui pardonnera, se dit-il.