Pourquoi l’Ukraine nous touche autant?
TVA Nouvelles
La guerre qui se déroule en Ukraine est terrible et bouleversante. Cependant, ce n’est pas la première fois que nous sommes informés qu’une guerre sévit sur la planète. Pourquoi sommes-nous si affectés par l’agression des Ukrainiens ? Nous craignons que cette attaque dégénère en guerre mondiale, il est possible que les prix des matières premières et de l’essence soient affectés, etc. ? Et si notre réaction venait de considérations beaucoup plus profondes ?
Même si la guerre en Ukraine est nettement plus grave que tout ce que nous avons connu, la guerre actuelle nous touche autant parce qu’en période de pandémie nous avons tous vécu une peur comparable à celle ressentie par les victimes d’une guerre.
En période de « guerre pandémique », nous devions combattre un ennemi puissant, un rival considéré comme invincible pendant longtemps. Et cette peur nous a fait vibrer dans des émotions fortes qui ont activé notre hypersensibilité et notre empathie collective. Bref, ces deux années de pandémie n’ont pas été faciles mais nous ont fait néanmoins évoluer à certains égards.
En fait, la guerre est loin d’être un événement concret lié à un espace territorial. La guerre est d’abord et avant tout un événement subjectif, vécu de l’intérieur (dans l’espace psychique individuel), car elle se définit grandement par les effets psychologiques qu’elle engendre.
Or, nous avons tous vécu des émotions comparables à celles des Ukrainiens en temps de pandémie (ex. la peur, la désolation, la dépression, etc.). C’est pourquoi cette guerre actuelle nous affecte autant. Elle réactive fortement nos émotions encore récentes et non résolues. Et contre toutes attentes, cela est plutôt positif, car peu de changement est possible sans l’activité de cette hypersensibilité affective.
Rien ne peut changer sans l’existence de fortes émotions que nous ressentons à l’égard des victimes. Et des victimes, il y en a partout : les Ukrainiens, les enfants de la DPJ, les personnes âgées en CHSLD, les femmes violentées, les personnes dont la santé physique ou mentale est atteinte, les familles vivant dans la pauvreté, etc.
En somme, tout changement vient nécessairement d’une prise de conscience sur le plan des émotions (et non seulement sur le plan rationnel de la pensée). Autrement dit, pour nous mobiliser réellement, nous devons ressentir la détresse des autres et non seulement la comprendre. Ce n’est qu’une fois nos « antennes affectives » (notre empathie) bien connectées avec les ressentis des victimes, que notre réelle motivation à vouloir changer la situation apparaît. Cela devient en quelque sorte, une mission que l’on porte dans notre cœur.
Continuons donc à nous laisser atteindre par la détresse des autres, le malheur des victimes de toutes les guerres. Continuons à nous indigner et à en témoigner haut et fort sur toutes les plateformes. Ainsi, nous observerons qu’une multitude d’initiatives personnelles et collectives verront le jour partout sur la planète. Tel un adulte qui a vécu des blessures d’enfance et qui enfin s’ouvre peu à peu à cette difficile réalité, nous constaterons que la vie commence quand les peurs prennent fin.
Frankie Bernèche, Ph.D., Professeur de Psychologie au Cégep St-Jean-sur-Richelieu, Trois-Rivières