
Pour en finir avec les promesses brisées
TVA Nouvelles
C’est devenu une tradition québécoise. Depuis vingt-cinq ans, le gouvernement du Québec échoue à remplir la promesse d’un médecin de famille par Québécois. Depuis aussi longtemps, le gouvernement et les médecins se renvoient la balle.
En voyant François Legault et son ministre de la Santé se lancer dans une nouvelle chicane cette semaine, comme beaucoup d’entre vous, j’ai poussé un long soupir de découragement. Encore une foire d’empoigne qui va finir en queue de poisson !
Et si on posait le mauvais diagnostic ? De Gaétan Barrette à François Legault, les gens qui nous dirigent sont prisonniers du modèle dont ils ont hérité, mais quand on écoute les expériences des Québécoises et des Québécois qui n’ont pas de médecin de famille, on comprend vite que c’est le modèle qui est malade. Avec les réformes centralisatrices des dernières décennies, qui ont culminé avec la catastrophe Barrette, les groupes de médecine familiale (GMF) sont devenus la porte d’entrée principale du réseau de la santé. Hors des GMF, point de salut. Si vous n’êtes pas dans le système, obtenir une simple prescription est une épreuve herculéenne. C’est absurde.
Si le débat se polarise autour de la charge de travail des omnipraticiens, c’est parce que l’inscription auprès d’un médecin de famille est devenue, pour des raisons électoralistes, une véritable obsession politique pour toute une génération de politiciens. Nous ne sortirons pas de ce cul-de-sac politico-médical sans affronter la question fondamentale : dans la vraie vie, de quoi les patients québécois ont-ils besoin ? D’un accès rapide et efficace aux soins de santé, ou d’être inscrits auprès d’un médecin de famille ?
Les Québécoises et les Québécois sont habitués à entendre les gouvernements justifier leurs réformes centralisatrices par la nécessité d’améliorer les services à la population, mais sur le terrain, du virage ambulatoire de Lucien Bouchard à la réforme libérale de 2015, ces belles paroles se sont surtout traduites par des coupures dans les services hospitaliers ou par le transfert de ressources de la première ligne publique (les CLSC) à la première ligne privée (les GMF).
Il faut changer de cap et remettre en question le consensus centralisateur qui, de fil en aiguille, est venu saboter les services de proximité. Il faut reconstruire une première ligne publique, multidisciplinaire et de proximité, qui garantit à chaque Québécoise, à chaque Québécois, l’accès aux bons soins au bon moment.
Des cliniques 100 % publiques, inspirées des CLSC mais qui pourraient prendre appui sur l’infrastructure des GMF, ouvertes 24 heures sur 24, enracinées dans nos collectivités et leurs besoins. Des équipes multidisciplinaires composées, oui, de médecins, mais aussi d’infirmières, de psychologues, de physiothérapeutes, de sages-femmes, etc., qui travaillent ensemble pour soigner l’humain dans son ensemble. Tout cela peut se faire en continuant de travailler à ce que les Québécois qui ont besoin d’un médecin de famille en aient un. Ce n’est pas un engagement neuf, mais le réseau de la santé n’a pas besoin de nouvelles patentes à gosses : il a besoin d’une nouvelle vision.
À chaque élection, la CAQ et les libéraux promettent un médecin de famille par Québécois. Ça n’arrive jamais. Plus ils se chicanent avec les médecins, plus les gens attendent. Au lieu de faire des promesses en l’air, nous avons besoin d’une bonne dose de pragmatisme. Posons le bon diagnostic. Ouvrons d’autres portes. Changeons de modèle.