
Portrait incomplet de la pêche hivernale au Québec
Radio-Canada
Nous sommes en février 2022, dans le fjord du Saguenay. Il fait froid, l’horizon est blanc et ponctué de centaines de points colorés : 1752 cabanes de pêche prennent vie pour quelques semaines. Ce nombre est un record depuis qu’on les recense. En 1998, le compte était d’un millier de cabanes environ.
À La Baie, deux villages éphémères de pêche sur glace regroupent à eux seuls 1397 cabanes cette année, un autre record. C'est plus [d’habitants] que dans plusieurs municipalités de la région du Saguenay, dit en souriant Marc-André Galbrand, directeur général de l’organisme Contact Nature responsable de la gestion des villages de La Baie.
Contact Nature estime que c'est plus de 5,5 millions de dollars de retombées économiques juste pour La Baie. Et ça, c'est juste les retombées des villages. Ça n'inclut pas toutes les cabanes hors village, précise Marc-André Galbrand. Parmi les adeptes, 70 % viennent de la région pour vivre l’ambiance camping d’hiver et pêcher de l’éperlan arc-en-ciel ou des poissons de fond, comme le populaire sébaste.
La particularité du fjord, c’est qu’on y trouve aussi bien des poissons qui peuvent vivre en eau douce, comme l’éperlan arc-en-ciel, pêché en surface, et géré par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP), et des poissons d’eau salée qui vivent en profondeur, comme le sébaste, la morue ou encore le flétan du Groenland. Ces poissons de fond sont gérés par le ministère Pêches et Océans Canada (MPO).
Pour évaluer les effets de cette pêche sur les populations de poissons, les deux ministères suivent de près l’exploitation de la ressource. Le ministère des Pêches et des Océans du CanadaMPO assure un suivi du succès de pêche, c’est-à-dire du nombre de poissons pêchés par jour et par personne, depuis 1996, quelle qu’en soit l’espèce. Le ministère des Forêts, de la Faune et des ParcsMFFP a repris le suivi de l’éperlan arc-en-ciel en 2006. La biologiste Amélie Bérubé supervise les inventaires réalisés sur le terrain : On vient voir les pêcheurs trois fois par semaine, on enquête justement pour savoir c'est quoi leur succès de pêche. […] On veut s’assurer que cette population va être maintenue dans le temps, puis que l'exploitation va être durable. Les pêcheurs rencontrés collaborent volontiers à la collecte de données des scientifiques.
Rémi Aubin, pêcheur invétéré, raconte la fluctuation des populations de poissons dans le fjord : À mes débuts dans les années 1980, la présence du poisson dans le Saguenay était impressionnante. On faisait vraiment de belles pêches. […] À l'époque, il n'y avait pas de limite de prises comme aujourd'hui. C'était incroyable. Puis, par la suite, on a vu le poisson diminuer. À tel point qu’à la fin des années 2000, les pêcheurs rentraient bredouilles et craignaient même que la pêche ferme. Le ministère des Pêches et des Océans du CanadaMPO a limité le nombre de captures de poissons de fond par personne au fil des années. Puis la ressource a eu le temps de se rétablir.
Ben là, je peux vous dire une chose : il est revenu, le poisson, s'exclame Rémi Aubin en remontant sa ligne à laquelle son cinquième sébaste a mordu en moins d’une heure. Le quota est déjà atteint pour aujourd’hui et le souper sera bon.
Malgré l’importance de la pêche sur glace au Québec depuis des décennies, peu de régions peuvent s’enorgueillir d’un suivi comme celui fait au Saguenay. À l’échelle de la province, l’ampleur de la récolte de poissons en hiver est inconnue (Nouvelle fenêtre).
À Sainte-Anne-de-la-Pérade, la capitale historique de la pêche aux poulamons, la dernière estimation des prélèvements de poissons en hiver date de 1979. La récolte de ces petits poissons des chenaux était alors de 225 tonnes en une saison. En Gaspésie, le dernier inventaire remonte à 1995. Sur la Côte-Nord, l’enquête date de 2002 pour certains lacs de la réserve faunique de Port-Cartier–Sept-Îles.