Pierre Nepveu : l’écriture comme acte citoyen
Radio-Canada
S'oublier soi-même et entrer dans la vie des autres, tel est l'un des pouvoirs de la littérature, selon le poète et essayiste Pierre Nepveu. Dans Géographies du pays proche, l'auteur dépeint l'écriture comme un acte d'espoir, un appel à « entrer dans la texture du monde », dans « l'espace d'une citoyenneté partagée ».
Un poème contient toujours [...] une protestation contre les barbaries langagières, idéologiques et économiques qui nous guettent [...]. Un poème est toujours la manifestation d'une attention, d'un soin pour ce monde du proche et des prochains dont nous sommes solidaires, et pour la langue partagée qui nous permet de le dire et de nous dire à travers lui. Un acte de présence, et, au bout du compte, citoyen, écrit Pierre Nepveu.
Dans son dernier essai, le biographe de Miron parle de l'identité québécoise, du patrimoine culturel et religieux qui tombe en ruines et de ce territoire qu'il habite, où, déplore-t-il, le nationalisme tend à être perçu comme une peur de l'autre. Il se demande comment réconcilier cet amour du Québec et la nécessaire ouverture à l'autre, à la diversité, dans une identité québécoise renouvelée.
« Il y a une usure inéluctable du passé si celui-ci n'est pas sans cesse rajeuni. »
Pour rajeunir le passé, il faut le transmettre, plaide Pierre Nepveu, qui se désole des luttes que doivent mener les professeurs d'histoire, de littérature et de philosophie pour éviter que leurs disciplines se trouvent rognées des programmes. Ces programmes, déplore-t-il, sont souvent pensés en fonction des besoins du marché du travail, et non dans le souci de développer chez les prochaines générations une culture commune, un esprit critique.
Pourtant, la littérature manifeste une extraordinaire aptitude à saisir ce qui révèle [...] des enjeux collectifs de toutes natures et qui questionne l'espace public. En partant de l'intime pour se rendre jusque dans les espaces communs, elle fait place au point de vue des minorités, des groupes opprimés, des individus différents, écrit-il.
Le poète parle à tous [...] ça ne veut pas dire que c'est un engagement politique explicite, mais ça a toujours des implications politiques, comme par exemple lorsque les femmes poètes se sont mises à écrire du point de vue du féminisme dans les années 1970. Leur intimité qu'elles projetaient dans les poèmes était forcément politique, impliquait des rapports de pouvoir, de force entre les individus, explique Pierre Nepveu.
Le poème, aussi intime soit-il, est ainsi le prétexte d'aller de soi vers l'autre, de faire voir la société et, peut-être, de la changer.
« Si j'écris des poèmes, c'est que je juge que le monde est habitable, même s'il peut parfois être insupportable, révoltant ou laid. La poésie reste toujours un acte d'espoir malgré tout. »