Parler d’adoption pour briser des tabous
Radio-Canada
Pour sa première pièce de théâtre en tant qu’auteure, Marie-Eve Chabot Lortie s’est attaquée à un sujet qu’elle connaît bien: l’adoption. Plus précisément, elle s’est intéressée à la réalité de l'adoption au Québec entre les années 1920 à 1970. Dans D.écimées, présentée jusqu’au 1er avril au Théâtre Périscope, on découvre une histoire fortement inspirée par le parcours de sa maman, Louise.
Louise Chabot a été adoptée à Québec alors qu’elle avait 7 mois. Sept décennies plus tard, c’est avec beaucoup d’émotions qu’elle a assisté à la première d’une pièce écrite et mise en scène par sa fille, Marie-Eve. La pièce raconte une quête absolument primordiale dans sa vie, et à laquelle Marie-Eve a pris part de différentes façons.
C’est assez fort de vouloir savoir d’où on vient. Moi, où ça m’a frappé le plus, c’est lorsque j’ai eu Marie-Eve. On savait qu’elle ressemblait beaucoup à son papa, mais je me disais que je ne pourrais pas lui raconter d’où je viens, se rappelle Louise Chabot.
La pièce D.écimées s’articule autour de plusieurs personnes qui ont joué un rôle clé dans la quête d’identité de Louise Chabot. Sa famille adoptive, qu’elle décrit comme un trésor dans sa vie, est évoquée dès le début de la pièce.
C’est sûr qu’il y a des moments intenses [...]. Au début de la pièce, c’est normal, c’est venu me chercher. C’est ma maman adoptive qui est décédée, et j’annonce à la famille et à tout le monde présent que, moi, je remercie maman d’être venue me chercher à la crèche, raconte Louise Chabot.
Près de 300 000 enfants auraient été placés en adoption au Québec entre 1920 et 1970. Marie-Eve Chabot Lortie présente bien dans sa pièce le contexte de l’époque quant aux enfants nés hors mariage; toutes ces femmes à qui leur famille demandait bien souvent de s’exiler pour aller accoucher dans un grand centre avant d’y confier leur enfant pour adoption.
On ne pouvait pas le garder. Ça mettait la honte sur la famille, et aussi, tout dépendant [de la situation], sur la communauté ou le village. [...] On disait qu’elles allaient travailler, étudier, admettons à Québec ou Montréal, alors qu’elles allaient y finir leur grossesse. Elles confiaient leurs enfants à l’adoption souvent bien malgré elles, souligne l'auteure.
Durant le processus de création de sa pièce, celle-ci a rencontré plusieurs personnes ayant vécu l’adoption. Sept femmes adoptées ont pris part notamment à un projet de médiation qui leur a permis de témoigner de leur parcours.
La plus jeune des femmes de notre projet de médiation, elle a été adoptée à la fin des années 70. Et elle m’a dit avec un sourire immense [après avoir vu la pièce]: "Il y a, à un moment donné, comme un chœur des adoptés. Et à chaque phrase, je me retrouvais dedans. Je m’étais déjà dit ça, ou je me disais ça", raconte Marie-Eve Chabot Lortie.