On peut encore débattre au pays des Lumières
TVA Nouvelles
Il semble que l’enchaînement rapide entre la campagne électorale canadienne et la saison électorale municipale québécoise nous ait presque fait oublier que de l’autre côté de l’Atlantique, la nation française se livre présentement elle aussi au processus démocratique par excellence.
Si les exercices électoraux offrent, partout où ils se déploient, un peu de répit aux populations gavées depuis vingt mois d’une narration médiatique circonscrite à la COVID, les comparaisons entre les conditions politiques du Canada et celles de la France ne sauraient s’accumuler.
C’est que contrairement à ici, est entretenu en France, depuis des siècles, un rapport positif, voire presque charnel au débat. Peu importe d’où elles proviennent, toutes les idées se fréquentent, circulent et lorsqu’elles entrent en collision, elles consentent à se tenir tête, à ne pas s’assortir par devoir après s’être prosternées, honteuses, de façon obligatoire, devant le consensus sacralisé.
Il ne faut donc pas s’étonner que cette grande ouverture face aux idées ait rendu possible la semaine dernière en France la tenue d’une aussi longue que fascinante conversation entre le président de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon et l’écrivain Éric Zemmour.
Pour les individus comme moi qui apprécient particulièrement les débats et qui appartiennent, semble-t-il ici, à une espèce en voie de disparition, cette rencontre entre deux ténors, qui n’ont en commun qu’un profond amour pour la France, offrait autant d’attrait qu’un événement sportif de grande envergure.
Tandis que le culte du consensus nous détourne ici d’un ensemble de conversations politiques ambitieuses et que le débat s’est transformé dans notre mythologie en un lieu maudit, les nostalgiques, comme moi, d’une époque pas si lointaine, où quelques émissions étaient encore consacrées à la rencontre des idées, n’ont d’autre choix que de se tourner vers le Vieux Pays. Certains hommes politiques placent encore là-bas heureusement le débat « sur la perspective de l’histoire », pour reprendre les mots de Zemmour. N’étant pas habités de quelque complexe que ce soit face à la rencontre des idées, ils font le pari d’élever les esprits en privilégiant la grande portée et en osant dessiner devant eux un horizon de cent ans, un horizon national.
Que l’on soit sympathique au programme de La France insoumise ou convaincu par le scénario catastrophe prophétisé par Éric Zemmour, cela n’a pas d’importance. Je souligne seulement qu’il demeure possible en France de tenir une rencontre, aussi brusque soit-elle, entre deux adversaires aussi éloignés au plan des idées. On constate alors que même si l’horizon de la réconciliation entre ces deux familles politiques se rétrécit aussi là-bas, elles peuvent et continueront de dialoguer au pays des Lumières, et ce, à une heure de grande écoute. La France doit être saluée. Elle persiste à démontrer qu’elle est un phare dans la nuit et que doit se maintenir dans nos sociétés ce que Mathieu Bock-Côté appelle le « conflit civilisé ».
Rémi Villemure, Auteur