Nouvelle-Calédonie: de la polarisation à la radicalisation
TVA Nouvelles
Une histoire coloniale qui n'en finit pas, une société clivée, une jeunesse kanak urbanisée et déterminée: c'est dans ce contexte qu'a éclaté mi-mai en Nouvelle-Calédonie un «séisme» dont l'archipel aura «bien du mal à se remettre», expliquent à l'AFP deux anthropologues.
«Du point de vue historique, la Nouvelle-Calédonie présente une caractéristique assez rare, c'est d'avoir été colonisée deux fois et deux fois d'être partie dans des programmes de décolonisation qui n'ont pas abouti», explique Patrice Godin, anthropologue et maître de conférences à l'université de Nouméa.
La première colonisation est celle de 1853, quand les Français ont débarqué sur ce territoire du Pacifique Sud découvert quelque quatre-vingts ans plus tôt par le Britannique James Cook.
Elle court jusqu'en 1945 avec «un degré de spoliation massif» et «un génocide rampant», enchaîne Pierre-Yves Lemeur, anthropologue à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).
S'ensuit un processus «de première décolonisation et un embryon de communauté de destin», avec «un contrat social en train de se construire, rapporte Patrice Godin.
Au début des années 60, le général de Gaulle relance en effet «une colonisation de peuplement pour des problèmes de prestige national, de volonté pour la France de redevenir une grande puissance à l'échelle planétaire» et alors que les Kanak sont de nouveau majoritaires dans l'archipel.
«Il y a d'une part une trajectoire longue qui est une trajectoire de colonisation ultra-brutale, de peuplement, de négation du peuple kanak, de génocide rampant jusqu'aux années 1920-1930», souligne M. Lemeur.
«Et il y a une période de recolonisation des années 60-70, avec une minorisation des Kanak qui a entraîné cette polarisation et largement nourri la revendication indépendantiste. Ça a créé un climat extrêmement clivé», développe-t-il.
Riche de ses mines de nickel, l'archipel prend des allures d'eldorado avec une migration organisée par l'État français. «C'est le moment de basculement de l'histoire contemporaine de la Calédonie. Et depuis, on paye ça», avance Pierre-Yves Lemeur.