Mission : réapprendre à admirer un coucher de soleil
Radio-Canada
Ils étaient une quinzaine de spécialistes en travail social assis autour d’une grande table, dans une petite roulotte stationnée derrière l’hôpital de Lac-Mégantic. Ils ont raconté l’année qui venait de s’écouler et toute l’humanité dont ils ont fait preuve pour venir en aide à la population encore durement affectée par l’explosion. Comment vont-ils aujourd’hui? Où sont-ils rendus? Qu’ont-ils appris de tout ça? Nous sommes allés à leur rencontre.
L’étreinte est chaleureuse entre Arianne Tremblay et Nicole Laroche qui ne se sont pas vues depuis au moins cinq ans. Même si elles se textent à l’occasion, rien ne vaut ces retrouvailles organisées à quelques semaines des commémorations entourant le 10e anniversaire de la tragédie. Mychelle Beaulé, une grande amie de Nicole, affiche un grand sourire, visiblement heureuse de cette rencontre.
Le rendez-vous a lieu à la cabane à sucre d’Arianne, qui a retiré son manteau d'éducatrice spécialisée depuis quelques années pour devenir entrepreneure. En plus de ce commerce, elle possède avec son conjoint un camping qui la tient occupée à temps plein. Nicole et Mychelle, deux travailleuses sociales, sont aujourd’hui à la retraite, mais il s'en faudrait de peu pour qu’elles replongent dans l’intervention si un événement important le commandait, disent-elles.
De revenir sur cette nuit fatidique et sur ses conséquences, c’est, pour les anciennes intervenantes, plonger dans des souvenirs douloureux, mais aussi de lumineuses histoires. C’était leur rôle de transformer la souffrance en quelque chose de plus acceptable. Une décennie ans plus tard, elles peuvent dire : mission accomplie.
Grâce à leur écoute et leur soutien bienveillants, des centaines de personnes, jeunes et moins jeunes, ont réussi à apaiser leur souffrance et poursuivre leur route malgré l’immensité de la douleur provoquée par le drame.
Retour en arrière. C’est dans l’urgence imposée par le drame qu’elles ont toutes été plongées dans le secours aux sinistrés. Alors qu’Arianne est à la polyvalente à la recherche d’une amie dont elle sans nouvelle, on lui remet le dossard blanc de l’aidante bénévole. Dès le départ, elle vient en aide à des familles endeuillées. Un rôle qu’elle tiendra finalement pendant deux ans en tant que membre de l’équipe psychosociale de rétablissement.
Ce qui me reste le plus en tête, c'est l'intensité de la peine collective et du désespoir. Tout le monde cherchait tout le monde. Je me souviens de la liste à la polyvalente des personnes disparues dans la première nuit. Il y avait au-dessus de 700 noms. On s'est dit : "Mon Dieu! Ça va être épouvantable!", se remémore-t-elle.
Nicole, pour sa part, a une longue expérience de l'accompagnement grâce à son travail auprès de personnes victimes d'actes criminels et en état de stress post-traumatique. Elle a travaillé la majeure partie de sa carrière au Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) et à l’Escale, un centre d’hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale. Sa grande expertise se révèle rapidement un atout indispensable. J’ai été projetée dans ce tumulte. Je me rappelle d'avoir été dans une garderie pour donner la parole aux enfants et aux éducatrices. Tout le monde était à différents niveaux en choc post-traumatique, précise-t-elle.
« On avait tous notre blessure. Le Québec avait une blessure. Imagine les gens qui étaient là. »