Michel Houellebecq, oracle de la France de 2027
Radio-Canada
La campagne présidentielle de 2027, au terme d'un deuxième quinquennat d'Emmanuel Macron, dans une France « en déclin », permet à Michel Houellebecq dans son huitième roman, anéantir, de se faire l'oracle de notre époque.
Cette longue fiction (736 pages) du romancier français le plus influent du monde, à paraître le 7 janvier, ne devrait pas manquer de susciter exégèses et débats politiques.
Houellebecq avait prouvé – notamment avec Soumission, en 2015 – qu'il adore le genre de l'anticipation, en imaginant l'élection d'un président de la République musulman. Sa sortie avait coïncidé avec l'attentat meurtrier contre le journal satirique Charlie Hebdo à Paris.
Jamais nommé dans anéantir, le président français, Emmanuel Macron, est bien reconnaissable quand une conseillère en communication le qualifie de magnifique animal politique, toujours sémillant depuis le début de sa fulgurante ascension.
Il a dirigé un pays en déclin, miné par les inégalités, la mort lente des petites villes et campagnes, et un chômage persistant. Le décalage entre les classes dirigeantes et la population avait atteint un niveau inouï, souligne le narrateur.
En 2027, la gauche n'existe que difficilement, le parti d'extrême droite Rassemblement national – présidé aujourd'hui par Marine Le Pen – est toujours fort au premier tour, mais en peine au second, tandis que la personnalité d'extrême droite Éric Zemmour, qui bouscule la campagne présidentielle cette année, n'attire que haine ou admiration. Autant d'éléments qui rappellent 2021.
Le roman anéantir s'intéresse à un tandem au cœur de cette campagne, le ministre de l'Économie Bruno Juge et son conseiller spécial, Paul Raison.
Cet homme de 49 ans, serviteur de l'État et de la majorité présidentielle, empêtré dans une crise conjugale, désabusé par son propre fatalisme et son goût conscient du confort bourgeois, est le protagoniste du roman.
Le personnage de Bruno Juge, probablement le plus grand ministre de l'Économie depuis Colbert (17e siècle), rappelle, lui, un certain Bruno occupant les mêmes fonctions : l'actuel ministre Bruno Le Maire.