
Maîtriser l’anglais pour devenir juge à la Cour du Québec: Le Québec français se dresse devant l’inJustice
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LETTRE OUVERTE – Les juges de la Cour du Québec, Lucie Rondeau et Scott Hughes, rejoints par le Conseil de la magistrature, ont entrepris de faire casser la décision du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, d’enfin éliminer le critère de la maîtrise de l’anglais comme condition formelle de l’embauche des candidats à la magistrature en cette Cour.
Ce faisant, les juges Rondeau et Hughes viennent s’immiscer, par la voie judiciaire, au cœur d’un débat lourdement politique qu’il ne leur appartient ni de trancher ni d’influencer. La question du français, langue de l’État, constitue une matière d’intérêt national supérieur qui échappe au cadre normal et ordinaire de leurs attributions en tant qu’administrateurs non élus du pouvoir judiciaire.
Ainsi, un juriste aura beau présenter le meilleur CV de sa profession ; arborer le titre d’advocatus emeritus ; posséder baccalauréats, maîtrises et doctorats ; toujours est-il que la seule compétence qui vaille vraiment, c’est de savoir l’anglais. Pensons au cas d’un procureur d’origine berbère aspirant à devenir juge, et parlant quatre langues : le français, le kabyle, l’arabe et l’espagnol, mais pas l’anglais. Celui-là pourrait donc, en principe, n’avoir d’autre choix que d’abandonner son rêve, ou alors retourner sur les bancs d’école pour acquérir l’anglais. Tout cela, dans une société ayant supposément le français comme seule langue officielle.
De tous les États non officiellement bilingues au Canada, il n’y a que le Québec où une telle exigence s’avère aussi répandue, et cela bien au-delà des seuls endroits où le nombre le justifierait. À ce chapitre, faut-il rappeler que la communauté d’expression anglaise compte en réalité pour moins de 8,1 % de la population du Québec ? Comment une aussi petite minorité peut-elle parvenir à bilinguiser tout un système ? L’officialisation de cette pratique est d’autant plus insensée que dans les faits, chacun sait bien que la population en général, et les juristes en particulier, affiche déjà un taux très, très élevé d’anglo-bilinguisme individuel ; peut-être le plus élevé au monde.
De plus, a-t-on oublié, par ailleurs, la possibilité de recourir à des interprètes judiciaires, lorsqu’il s’agit d’entendre un témoin ? Cette voie permet d’offrir à des allophones la possibilité de s’exprimer dans leur langue maternelle, plutôt qu’en anglais, ce qui va dans le sens, tout à la fois, de l’intérêt de la justice et de l’unilinguisme officiel qu’il nous faut atteindre.
Pour ces raisons et celles recensées dans la version longue de ce texte disponible en ligne, le MQF exige du Conseil de la magistrature du Québec et des juges Rondeau et Hughes qu’ils se désistent immédiatement de leur pourvoi qui n’a pas lieu d’être. Il est impératif d’aller plus loin en rétablissant les dispositions initiales de la loi 101 qui faisaient du français la seule langue officielle des pouvoirs législatif et judiciaire. Il en va non seulement du statut de notre langue nationale en tant que langue de l’État, mais aussi, du principe démocratique lui-même.
À défaut pour la CAQ d’honorer son obligation de résultat en veillant à garantir le maintien du statut et de la vitalité démographique du français, il s’ensuit que le nationalisme fédéraliste ne peut plus sérieusement se présenter comme une solution crédible au déclin de la nation québécoise dans le cadre canadien. Ce constat sera désormais évident aux yeux de la population, tous les observateurs sérieux n’auront d’autre choix que de reconnaître, chiffres à l’appui, que les fédéralistes, fussent-ils caquistes ou libéraux, ont tous perdu leur pari et que seule l’indépendance nationale du Québec peut garantir le salut du français en ce continent.