Lorde : de l’ombre à la lumière
Radio-Canada
Étiez-vous au parc Jean-Drapeau pour la prestation de Lorde, en 2014, lors du festival Osheaga? Si oui, et si vous étiez à la salle Wilfrid-Pelletier, jeudi soir, vous avez pu constater l’évolution de la jeune artiste.
A priori, les appellations de ses albums – Pure Heroine (2013), Melodrama (2017) et Solar Power (2021) –donnent une bonne idée de la trajectoire artistique, comme si la Néo-Zélandaise était passée graduellement de l’ombre à la lumière.
Il va de soi que Lorde n’est plus l’adolescente de 15 ans qu’elle était en 2012, quand elle a créé la chanson Royals qui allait la faire connaître mondialement. Mais après l’avoir vue deux fois lors de festivals à Montréal (Osheaga 2014 et 2017), il était réjouissant au possible de la voir exprimer son art et sa créativité dans une salle de concert avec une production digne de ce nom.
Et elle était attendue, celle qui est née Ella Marija Lani Yelich-O’Connor à Auckland, en 1996. Dans les minutes qui ont précédé son arrivée sur scène, on entendait la foule scander son nom ou ponctuer de cris stridents chaque baisse de volume de la musique d’ambiance. À ma droite dans la rangée R, les trois jeunes femmes ne se pouvaient plus d’attendre. Devant moi, la spectatrice était venue au concert en béquilles. Il faut ce qu’il faut pour voir sa favorite.
L’extinction des lumières à 20 h 42 a fait exploser l’échelle des décibels et le tympan de mon oreille droite (les trois spectatrices…), tandis que la foule de la génération de Lorde – très majoritairement féminine – s’est levée pour ne plus jamais se rasseoir durant plus d’une heure et demie.
La Néo-Zélandaise s’est fait entendre avant de se faire voir durant Leader of a New Regime, sa silhouette étant projetée telle une ombre chinoise à travers un gros tambour surplombé d’un escalier mince dont la forme, vue de biais, rappelait bigrement l’extrémité des structures luminaires de la place des Festivals.
Ce duo de formes atypiques – l’une géométrique, l’autre pas – reposait sur une plateforme rotative qui a permis à Lorde une foule de variantes, rayon présentation : des interprétations à mi-chemin de l’escalier (Buzzcut Season), allongée au pied des marches (California), allongée dans les marches (Mood Ring) ou d’autres encore, avec ses musiciens et choristes derrière elle, comme ce fut le cas pour The Path. Et ça, c’est sans compter les deux gros escaliers fixes sur les flancs de la scène sur lesquels prenaient place musiciens, musiciennes et choristes. Du gros calibre de mise en scène.
Il pleut dehors, mais ici, on voit le soleil. C’est magique. Vous n’avez pas idée à quel point je suis heureuse d’être ici, a déclaré la chanteuse après un trio de chansons.
Le danger avec n’importe quelle production étoffée, c’est qu’elle risque parfois de bouffer l’artiste. Rien de tout ça, ici. La Lorde introvertie et introspective des débuts a fait place à une artiste épanouie qui a un réel plaisir à communiquer sa joie de vivre sur scène dans un environnement digne des grands.