Livres : ados et jeunes adultes, entre guerre et maladie
Radio-Canada
Elles ne sont peut-être plus des adolescentes, peut-être même plus de jeunes adultes, mais elles savent assurément comment parler d'elles et eux avec justesse et sensibilité. Qu'elles encrent leur histoire de guerre, d'enjeux de santé mentale ou de ruptures d'amitié, Annie Guilbault, Daphné B., Hélène Koscielniak, Alexandra Campeau, Carolanne Foucher et Julie Champagne ont recours à la poésie, aux textos et à l'humour pour explorer ces thèmes.
Alep, en Syrie. Les bombardements, la mort, le manque de nourriture, la soif, les écoles fermées, le risque calculé de sortir dans la rue, la rage au ventre. Mais aussi la vie, l’amour et l’espoir, envers et contre tout.
L’oiseau-grenade, c’est le quotidien d’Assia, 22 ans, qui a fait de la poésie une bouée de sauvetage, des mots de Maram al-Masri à ceux de Roland Giguère; de son amoureux Akram, qui fouille les décombres à la recherche de survivants à titre de Casque blanc en compagnie de Peter pour rester lui-même en vie; de sa mère québécoise, Lili, qui s’étiole peu à peu tout en rêvant d’oiseaux; de son père Zakaria, qui œuvre à titre de médecin avec les moyens du bord à l’hôpital; de son petit frère Eshan, que la guerre, la faim et la peur ont rendu muet.
Vient le moment où Assia, Akram et Eshan entreprennent seuls avec Peter la longue migration devant leur permettre de rejoindre les parents de Lili au Québec. C’est alors les passeurs, la dangereuse traversée vers Lesbos, les camps de réfugiés, l’adaptation des migrants à une nouvelle existence dans un endroit paisible qui ne les console en rien de ce qui les a détruits.
Si Assia demeure le fil rouge du roman, sa perspective sur les événements et ses pensées les plus intimes alternent tantôt avec celles d’Akram, tantôt avec celles d’Eshan, tantôt avec celles de Lili, restée derrière avec son mari. Cela donne du relief à l’histoire, parfois en jetant un tout autre éclairage sur un moment précis, ou en confrontant les visions et perceptions de ses personnages, voire en jouant des trajectoires parallèles pour faire évoluer l’action.
Anne Guilbault témoigne aussi finement qu’intelligemment des affres de la guerre, des naufrages (physiques comme émotifs), du pouvoir de l’amour et du ressac de la rage et du désespoir. Elle le fait sans compromis tout en évitant la surenchère. Et en nous réservant un ultime coup au cœur dans les dernières pages, dont personne ne sort indemne.
Reconnue pour sa série La vie compliquée de Léa Olivier, Catherine Girard-Audet a choisi de replonger dans les premières années de sa vingtaine pour nourrir une nouvelle trilogie s'adressant aux jeunes adultes. Le premier volet de ce triptyque porte un titre aussi inspirant qu'évocateur : On ne tire pas sur les fleurs pour qu'elles poussent.
Juliette, dite Papillon, ne sait plus où elle en est dans sa vie, alors qu'elle se remet difficilement du départ de Loïc, son ex. Ce dernier est parti s'installer à Paris, d'où il lui écrit qu'il l'aime encore. De plus, elle remet profondément en question son choix de cours à l'université, réalisant peu à peu que l'histoire de l'art n'est pas pour elle. Heureusement, elle peut compter sur ses meilleurs amis pour traverser ses crises existentielles, écouter Big Brother Célébrités et la pousser à sortir de son appartement pour se changer les idées, provoquant d'ailleurs sa rencontre avec Sam.
Sentant monter la pression de devoir faire des choix, Juliette commence à paniquer... au point de se retrouver à l'hôpital. Or, comme une soupape pour évacuer le trop-plein, quelqu'un lui offrira la fort jolie phrase donnant son titre au roman, voulant que chaque fleur croît à son propre rythme, sous-entendant que la jeune femme a donc le droit de prendre le temps nécessaire (et les détours géographiques, au besoin) pour voir plus clair en elle.