Liberia : délicate venue au monde pour un tribunal des crimes de la guerre civile
TVA Nouvelles
Le nouveau président libérien a mis fin à une longue inertie en jetant les bases d'un tribunal pour les crimes commis pendant les guerres civiles, mais les critiques émises contre son choix pour diriger cet effort rappellent que le chemin risque d'être long.
Investi en janvier, le président Joseph Boakai a signé le 2 mai un décret établissant un office chargé d'élaborer la méthode pour instituer une cour spéciale qui jugerait la multitude d'abominations perpétrées lors des deux guerres civiles qui ont fait environ 250 000 morts entre 1989 et 2003. Une avancée considérable vers la naissance d'un tel tribunal, réclamé depuis des années par les victimes, mais bloqué par les résistances intérieures sous les prédécesseurs de M. Boakai, Ellen Johnson Sirleaf et George Weah.
Il s'agit de «rendre justice et de refermer les plaies» de «plus de quatorze années de conflit civil insensé», a dit M. Boakai.
Les organisations de défense des droits humains et des victimes de crimes de guerre ont salué la fin de l'immobilisme. Plusieurs soulignent dans un rapport destiné à l'ONU qu'il reste beaucoup à faire, comme voter une loi instaurant le tribunal. Mais elles parlent de «développements prometteurs».
Cependant, cet office n'a pas encore commencé son travail que celui nommé le 19 juin par le président pour le diriger, l'avocat Jonathan Massaquoi, est contesté.
Des défenseurs des droits reprochent à Me Massaquoi d'avoir défendu par le passé Agnes Reeves Taylor, ex-femme de l'ancien président Charles Taylor.
Agnes Reeves Taylor avait été arrêtée en 2017 au Royaume-Uni, où elle vivait alors. Elle était accusée par la justice britannique d'actes de torture pour sa participation présumée aux atrocités commises par le groupe de Charles Taylor, le Front national patriotique du Liberia (NPFL), pendant la première guerre civile. Elle a été libérée en 2019 quand la justice a classé l'affaire, sans l'innocenter selon Civitas Maxima, ONG aidant les victimes de crimes de guerre.
Me Massaquoi a représenté Agnes Reeves Taylor au cours de procédures en diffamation qu'elle a intentées à des défenseurs des victimes, dont Hassan Bility, directeur de l'ONG Global Justice and Research.
M. Bility s'est inquiété du risque de «conflit d'intérêts» posé par les relations qu'aurait Me Massaquoi avec un cabinet d'avocats susceptible de bénéficier de la création du tribunal. «On ne devrait pas pouvoir commercialiser la souffrance des victimes», a dit M. Bility à l'AFP.