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[Lettre ouverte] Un appel à l’aide aux citoyens de Montréal
Radio-Canada
Le 14 novembre dernier, Elisapie Pootoogook, membre de la communauté sans-abri autochtone de Montréal, a été retrouvée morte. Cette aînée inuk cherchait refuge près d’un site de développement de condos, où son corps a été retrouvé.
Qu’ont appris les Montréalais depuis le décès de Raphaël Napa André, cet homme innu sans logement qui est mort de froid en tentant de s’abriter dans des toilettes chimiques l’hiver dernier? Il semble que nous n’ayons rien appris. Le nombre de sans-abris monte en flèche partout à Montréal, mais trop peu est fait pour faire face à l’ampleur de la crise, et plus il fait froid, plus l’inaction risque d’entraîner d’autres décès évitables.
Le 3 février, nous avons ouvert l’Espace commémoratif Raphaël André dans le square Cabot, pour offrir à jusqu’à 16 personnes à la fois un endroit où se mettre à l’abri pendant l’hiver. Depuis l’ouverture, nous avons servi plus de 45 000 personnes. Les gens ne viennent pas seulement pour y trouver de la nourriture, du repos, de la chaleur : l’Espace Raphaël André a aidé les itinérants et itinérantes de Montréal à se faire soigner pour toxicomanie et à accéder à un logement. La Ville a accepté de retarder le démantèlement de l’Espace Raphaël André jusqu’au 31 mars 2022, mais la tente elle-même était déjà trop petite, et comme Raphaël André lui-même nous l’a rappelé, trop tard.
La solution-pansement des tentes n’est pas durable : nous avons besoin d’un bâtiment permanent, et nous en avons besoin dans les zones précises de la ville dans lesquelles vivent déjà les sans-abris, et non dans un arrondissement éloigné. Nous savons bien que lorsque le refuge Open Door a déménagé du square Cabot vers le parc Milton, une grande partie de la communauté des sans-abris du square Cabot est restée en place : nous savons mieux que quiconque que nous devons servir nos communautés là où elles vivent, et non les commander ailleurs dans la ville.
Pendant ce temps, la mairesse Valérie Plante a promis 3 millions de dollars pour un refuge permanent, ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, mais la Ville ne trouve pas d’emplacement et, malgré un appel désespéré aux propriétaires d’immeubles à proximité du square Cabot, il semble que personne ne veuille louer à un organisme qui s’adresse à la population itinérante autochtone. La recherche d’un bâtiment se poursuit, mais à mesure que les nuits se refroidissent, nous ne pouvons nous empêcher de ressentir la pression croissante de fournir un espace sécuritaire afin que personne d’autre n’ait à subir le même sort horrible qu’Elisapie et Napa.
Au cours de la pandémie de COVID-19, la population sans-abri a souffert plus intensément que tout autre groupe de Montréalais et, dans leurs rangs, les sans-abris autochtones ont le plus souffert. Alors que la société utilise de moins en moins l’argent comptant, des centaines de personnes qui dépendaient de la quête ont perdu l’accès à leur seul moyen de revenu. Les Montréalais sans domicile ont passé la pandémie sans endroit où aller, et leur nombre augmente considérablement.
L’itinérance à Montréal est à un point de crise, et cette crise peut très facilement continuer à empirer si les Montréalais n’agissent pas. Nous demandons donc aux Montréalais d’appuyer nos efforts en faisant un don à l’Espace Raphaël André et au Foyer pour femmes autochtones de Montréal. Nous demandons également aux Montréalais d’exiger de leurs représentants qu’ils agissent avec décence envers nos communautés itinérantes, et demandons également à toute personne en mesure d’offrir un espace à louer sécuritaire et permanent, à proximité du square Cabot, de bien vouloir se manifester.
La décence n’est pas dispendieuse. En fait, les choses dont les itinérantes et itinérants de Montréal ont besoin ne coûtent pas très cher, c’est pourquoi les Montréalais eux-mêmes ont fait une telle différence avec leurs dons privés lorsque nous avons ouvert l’Espace Raphaël André. Nous demandons aux Montréalais de s’en souvenir et de continuer à donner comme ils le peuvent, sachant que chaque dollar que nous recevons fait une énorme différence dans la vie d’un Montréalais sans foyer.
La population autochtone itinérante de Montréal a besoin d’aide et de décence humaine. Montréal a besoin d’aide pour être une ville plus humaine. Les Montréalais peuvent faire en sorte que cette vision se réalise. Nous pouvons exiger que plus jamais quelqu’un n’ait à mourir dans la rue.