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[Lettre ouverte] « Procès fantôme » : l’aboutissement d’une dérive judiciaire
Radio-Canada
La lettre ouverte qui suit a été signée par les dirigeants de 15 médias d’information et envoyée aux juges en chef de la Cour du Québec, de la Cour supérieure et de la Cour d’appel du Québec, ainsi qu’au ministre de la Justice du Québec.
En tant que dirigeants des principales salles de rédaction du Québec, nous tenons à exprimer notre indignation et notre vive préoccupation face à la tenue de ce qu’il est convenu d’appeler un procès fantôme révélé dans un jugement rendu par la Cour d’appel du Québec.
Il est inacceptable qu’un tel procès puisse avoir eu lieu au Québec et que le public ne soit même pas avisé de son existence et encore moins du tribunal devant lequel il s’est déroulé, et de l’identité du juge et des avocats impliqués.
Bref, le procès s’est déroulé dans le plus grand secret, effaçant d’un trait de crayon du décideur de première instance plusieurs siècles de progrès démocratique et nous ramenant à la triste époque de la Chambre étoilée, ce tribunal arbitraire créé par Henri VII au 15e siècle.
Comment se fait-il qu’une telle mascarade ait pu avoir lieu ici en 2021? En 2022? Malheureusement, le public ignore jusqu’à la date à laquelle ce procès s’est tenu.
Il est pourtant bien établi que la transparence est l’un des fondements de notre système judiciaire. En effet, tel que l’écrivait le philosophe Jeremy Bentham dès le 18e siècle : Les freins à l’injustice judiciaire ne sont efficaces qu’en proportion de la publicité des débats. Là où il n’y a pas de publicité, il n’y a pas de justice... La publicité est le souffle même de la justice. Elle est la plus grande incitation à l’effort, et la meilleure des protections contre l’improbité.
Ce principe a été affirmé à maintes reprises par la Cour suprême du Canada : la publicité des débats judiciaires est une règle qui ne devrait souffrir que de très rares exceptions, lesquelles seront elles-mêmes circonscrites afin d’offrir le plus de transparence possible dans chaque circonstance.
Au cours des dernières années, accédant aux demandes du Directeur des poursuites criminelles et pénales et des avocats de la défense, il semble malheureusement que les tribunaux québécois aient accordé de plus en plus d’importance à ces exceptions, érodant peu à peu le principe de la transparence judiciaire. En ce sens, le procès fantôme mis au jour la semaine dernière est l’aboutissement logique de cette lente dérive.
Cette révélation suscite de nombreuses interrogations. Qui étaient les avocats et le juge impliqués? Ce procédé avait-il l’aval d’autres intervenants dans l’appareil judiciaire? Existe-t-il d’autres dossiers qui ont été traités de manière similaire? Ce ne sont que quelques-unes des questions auxquelles les citoyens sont en droit d’obtenir des réponses.