Les Tibétains et nos résolutions de 2022
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LETTRE OUVERTE – L’année 2021 a été marquée par l’émergence d’une douloureuse conscience collective au sujet du régime ethnocidaire des pensionnats autochtones ayant sévi au Canada pendant 160 ans.
Ce tardif mea culpa permet aux Canadiens de prétendre détenir le soupçon d’autorité morale requis pour pouvoir condamner les autres crimes du genre encore commis ailleurs dans le Monde. C’est notamment le cas du triste sort réservé aux Ouïgours par la Chine, une situation ayant éclaté au grand jour dès 2019. Mais l’attrait de la nouveauté dont bénéficie la juste cause des Ouïgours ne doit pas occulter celles d’autres minorités ethniques bafouées en Chine. C’est certainement le cas des Tibétains, lentement mais sûrement écrasés par l’État chinois depuis 1950.
Selon une analyse publiée le 7 décembre dernier par le «Tibet Action Institute», près de 80% des enfants tibétains de 6 à 18 ans ont été placés dans des pensionnats coloniaux contrôlés par les autorités chinoises. En 2020, le gouvernement chinois a converti de force toutes les écoles des villages tibétains en écoles maternelles pour les enfants de 4 et 5 ans. Simultanément, l’État chinois a rendu obligatoire, pour tous les enfants de 6 ans et plus, la fréquentation des pensionnats, en mandarin seulement, loin de leurs parents et sans même pouvoir rentrer dans leur foyer lors des vacances. Ces écoles isolent donc 800 000 à 900 000 enfants de leurs familles, de leurs traditions et de leur langue maternelle. On y déplore aussi des conditions de vie misérables ainsi que des abus physiques et sexuels. Impossible de ne pas dresser un parallèle entre ce vaste programme d’assimilation des Tibétains et l’ancien régime des pensionnats autochtones.
Or si les Canadiens sont sincères dans leurs remords, ils ne peuvent fermer les yeux devant le très actuel ethnocide perpétré contre les Tibétains en Chine. Il importe de savoir que la surveillance accrue, la répression massive, la stérilisation forcée des femmes et les exécutions extrajudiciaires des Ouïgours par l’État chinois sont aussi subies par les Tibétains et ce, depuis beaucoup plus longtemps. S’il y a une bonne résolution que devraient donc prendre les politiciens et journalistes canadiens pour 2022, c’est qu’à chaque fois que, par exemple, le boycottage diplomatique des Jeux olympiques d’hiver à Beijing sera justifié par l’ethnocide du peuple ouïgour, on devra aussitôt ajouter, «et du peuple tibétain».
Christian Gagnon