Les migrants disparus en mer sont le résultat de la politique européenne, juge MSF
Radio-Canada
Après le naufrage d'un navire surchargé de migrants, au large de la Grèce, Médecins sans frontières (MSF) a dépêché des équipes auprès des survivants, notamment pour tenter de guérir le traumatisme provoqué par le terrible parcours des migrants, mais aussi par l'horrible tragédie maritime.
En entrevue à l'émission Midi info, sur ICI Première, le chef de mission de MSF pour la Grèce et les Balkans, Duccio Staderini, a répondu aux questions de l'animateur Janic Tremblay sur l'état de santé des 104 rescapés de la tragédie. Une tragédie qui, dit-il, est directement liée à la politique migratoire européenne.
Dès les premières nouvelles du naufrage, nous avons mobilisé une équipe de santé mentale pour faire ce que l’on appelle un PFA, un psychological first aid, qui est une intervention que nous avons malheureusement développée au cours des dernières années pour faire face à ce genre d’événement qui se répète de plus en plus.
On a développé un certain savoir-faire, notamment en Italie. Nous avons pu assembler une équipe très rapidement et amener des secours dans le camp [où se trouvent les rescapés].
Ces équipes ont pu faire des séances de groupe et des séances individuelles pour aider les gens à faire face à ce qu’ils ont vécu, et les témoignages que nous avons pu recueillir sont dramatiques.
Je ne sais pas quel adjectif utiliser pour témoigner de la souffrance dont nous avons été témoins lors de ces séances. Ce sont des gens qui ont non seulement passé les six derniers jours dans l’enfer d’un bateau somme toute petit, dans lequel ils étaient entassés par plusieurs centaines, après avoir attendu des semaines, si ce n’est des mois, en Libye, avant d’embarquer. Et qui se sont retrouvés dans un voyage qui semble provenir du giron dantesque de l’enfer.
Absolument, et même de ce qui vient avant, et des raisons pour lesquelles ces gens ont pu entreprendre ce voyage, malgré les risques qu’ils couraient. Les récits que nous avons de la Libye, comme d’habitude, je dirais, ce sont des récits de torture, de violences sexuelles, quelque chose qui est systématique.
La situation de ces rescapés, en matière de santé mentale, c’est qu’ils sont très affectés, avec des troubles qui se manifestent dès les premiers jours, et cela nécessite une prise en charge accrue.
Absolument, cela les traumatise non seulement de côtoyer la mort, mais aussi la mort des proches, et le fait d’avoir survécu, aussi. Un jeune, hier, nous racontait : Moi, je suis vivant, et les autres, ils sont en train d’être mangés par les poissons. Les images, je pourrais vous en donner plein, comme de jeunes Pakistanais qui sont partis avec tous les autres jeunes de leur village, toute leur caste, et ils sont les seuls survivants. Ou la famille décimée d’un rescapé syrien qui a perdu sa femme et ses deux enfants dans la tragédie. Ou alors ces deux jeunes Égyptiens qui nous ont raconté avoir pu, dans les flots, attraper deux enfants, mais ensuite, avec les minutes qui passent, dans l’eau froide, avec le vent, la nuit… Ils les ont perdus dans les flots.