Les cyberattaques dont sont victimes les cégeps sont inquiétantes
TVA Nouvelles
Les cours ont officiellement repris le mardi 14 mai dans les trois établissements du Cégep de Lanaudière, dont celui de L’Assomption où j’enseigne et où ma fille est étudiante. J’aurai donc traversé la semaine de suspension de cours comme professeure, mais aussi comme tous les parents de près de 7000 étudiants de la région.
De retour au bureau, j’ai pu constater à quel point les membres du personnel travaillent fort pour accommoder les étudiants. Chacun joue son rôle pour les rassurer et faire en sorte qu’ils puissent occuper les emplois d’été qui les attendent en cette période où inflation et crise du logement leur rendent la vie dure. Sans compter que certains étudiants sont inscrits à des cours d’été qui débuteront sous peu.
Je ne doute pas de la collaboration entre notre direction et les équipes du ministère de l’Enseignement supérieur pour ramener toutes les activités à la normale. Ce qui me préoccupe toutefois, c’est que les trois cégeps de Lanaudière ne sont pas les premiers à subir une cyberattaque. Les cégeps de Saint-Félicien (en 2020) et de Montmorency (en 2022) sont passés par là avant nous.
En 2020, le Collège militaire royal de Kingston a été victime d’une attaque semblable et Radio-Canada titrait, le 2 avril dernier, tout juste après la cyberattaque de l’Université de Winnipeg: «Les universités canadiennes pas assez outillées contre de potentielles cyberattaques».
Alors que les trois cégeps de Lanaudière ne sont pas entièrement rétablis, j’apprends avec stupéfaction que le Collège Ahuntsic a été ciblé à son tour! Sombre nouvelle. Allons-nous bientôt prendre la pleine mesure des risques associés au «tout à l’internet» dans nos institutions scolaires?
À Montmorency, des dizaines de milliers de fichiers contenant des informations confidentielles ont laissé l’impression à bien des élèves et employés d’avoir été trop peu informés sur les fuites de leurs données.
Mon intention ici, loin de lancer une campagne de peur, est de rappeler à la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, qu’on ne doit pas sous-estimer le stress vécu par les étudiants touchés. À L’Assomption, les reprises d’évaluation se multiplient et malgré nos efforts, la fin de session des étudiants est chamboulée.
Par ailleurs, mon propos, n’engageant que moi comme professeure, est d’inviter à une réflexion. En éducation supérieure, la tendance est à l’élargissement de la place du numérique. Les changements rapides, en matière d’introduction de l’IA par exemple, ne nous épargneront pas un sérieux débat de fond. Clairement, notre vulnérabilité s’accroît face aux systèmes et aux services numériques qui deviennent de plus en plus dispendieux. Ce n’est pas sans conséquences. Combien la gestion des cyberattaques de Lanaudière et d’Ahuntsic coûtera-t-elle au juste?
Je ne suis pas la seule à m’inquiéter de l’emprise grandissante des technologies numériques en éducation et à préférer une école à échelle humaine à une école informatisée à outrance qui nous empêche d’aller simplement donner nos cours, comme l’ont fait des générations de professeurs qui nous ont précédés. Deux collègues de philo, Éric Martin et Sébastien Mussi, ont publié Bienvenue dans la machine (Écosociété, 2023), un remarquable essai sur la question. Ils sont d’avis qu’il ne suffira pas aux professeurs de se former et de s’adapter. Leur proposition, inspirée de récentes mobilisations en Suisse: un moratoire sur l’informatisation de l’école.