Le retour des travailleurs de la santé infectés se comprend, mais doit être expliqué
Radio-Canada
La décision du gouvernement du Québec de demander au personnel du système de santé de se présenter au travail malgré une contamination à la COVID-19 « se comprend », selon le professeur de bioéthique Bryn Williams-Jones, en entrevue mercredi à l’émission Le 15-18 sur les ondes d’ICI Première.
Pour M. Williams-Jones, qui est aussi directeur du Département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, l’objectif poursuivi par le gouvernement s’explique. L’objectif [poursuivi] est d'éviter le délestage et les bris de services dans le réseau de la santé. Mais selon M. Williams-Jones, cela conduit à un dilemme éthique.
Je comprends les difficultés, indique-t-il, puisque les arguments sont forts dans les deux positions : faire travailler, ou non, les travailleurs de la santé qui sont contaminés à la COVID-19.
D’une part, il est possible d’agir pour maximiser le bien : plus de personnel dans le système de santé ne peut être que bénéfique. Mais les soignants sont épuisés et ils sont capables de transmettre le virus, rappelle M. Williams-Jones. Le système de santé a pourtant besoin de ces personnes, mais elles sont malades, et c’est le cœur du dilemme.
Laisser le personnel du réseau de la santé atteint de la COVID-19 en isolement conduit à imposer à ceux qui ne le sont pas la charge [de travail] des collègues qui s’absentent, et cette charge est, aux yeux de M. Williams-Jones, démesurée.
Le professeur de bioéthique mentionne toutefois que les mesures de protection qui sont en place dans le réseau de la santé sont importantes. J’ai toutes les ressources, mais le risque zéro n’existe pas, admet-il. Il pourrait y avoir des contaminations émanant du personnel qui retourne au travail.
Il insiste toutefois sur le devoir et la responsabilité du personnel soignant, qui doit offrir des services, certes, mais surtout de fournir des soins de qualité. La position du gouvernement du Québec de demander aux employés atteints de la COVID-19 de retourner au travail s’explique, mais elle conduit à de nombreuses questions quant à la santé et la sécurité du personnel et des malades.
M. Williams-Jones affirme que depuis le début de la pandémie, il y a un problème de transparence dans la gestion de la crise par le gouvernement du Québec, et qu’il faudrait assurément que l’État explique les fondements des mesures qu’il met en place.
Le fait de demander au personnel infecté de retourner dans les hôpitaux est, pour M. Willams-Jones, un compromis, un moindre mal, mais il faut l’expliquer. Le gouvernement aurait pu préparer le terrain pour cette décision, et donner l’heure juste sur le manque de main-d'œuvre dans le réseau de la santé.