
Le père Noël est vraiment une ordure!
TVA Nouvelles
Interrogez les gens de votre entourage et la plupart vous diront qu’ils ont l’environnement à cœur, qu’ils font de gros efforts pour recycler leurs déchets et qu’ils souhaiteraient tellement que les gouvernements agissent plus rapidement pour contrer les effets négatifs des changements climatiques. Car tout le monde le sait: il faut sauver la planète!
Mais après avoir déballé leurs belles valeurs écologiques, que font la plupart d’entre eux? À la manière de ces animaux qui accomplissent instinctivement leurs rituels lorsqu’arrive la saison des amours, ils se précipitent, année après année, dans ces drôles de cavernes que sont les centres commerciaux pour s’adonner d’une manière compulsive à leur activité préférée : acheter des bébelles pour Noël sous prétexte de faire des cadeaux aux personnes qu’ils aiment et, souvent, même à celles qui leur sont tout à fait indifférentes. Que voulez-vous, c’est Noël et à Noël, il faut faire des cadeaux!
Comment des citoyens, pour la plupart informés sur les impacts écologiques d’une telle orgie consumériste, peuvent-ils adopter un comportement qui soit aussi en contradiction avec leurs beaux discours? Le confort et l’indifférence, l’inconscience, le poids de la tradition ou, plus fondamentalement, un mal-être et un vide existentiel profonds? Peut-être bien toutes ces réponses à la fois, mais je dirais que la dernière option a le mérite de cibler davantage le coeur du problème.
Dans son essai Pour l’éducation, Fernando Savater explique que moins l’être humain possède une culture authentique plus il a besoin de dépenser de l’argent pour se divertir la fin de semaine ou pendant les vacances. Et plus loin, il ajoute : « Si personne ne vous apprend à vous créer des joies de l’intérieur, vous devez tout acheter au-dehors. »
Et c’est fort probablement ce que la plupart des gens font pendant le temps des Fêtes: en confondant l’avoir et l’être, ils s’imaginent que le bonheur peut s’acheter « au dehors » et s’incarner dans des objets matériels, dans cette panoplie de produits hétéroclites fabriqués en série qui vont se retrouver rapidement, par leur obsolescence programmée, dans le bac de recyclage ou dans le dépotoir le plus près pour y mourir à petit feu pendant des milliers d’années.
Par son caractère sexiste, qu’est-ce qu’on a pu rigoler lorsque, dans le cadre d’un match amical entre le Canada et la Finlande, l’excellente joueuse de hockey Marie-Philip Poulin a reçu comme cadeau, de la part des organisateurs de l’événement, rien de moins qu’un fer à friser! Pourtant, ne répétons-nous pas des comportements aussi stéréotypés lors de la distribution des présents à Noël? Des accessoires de cuisine pour maman; des outils pour papa; une poupée pour Lili, des petits camions pour Olivier, sans parler de tout ce fatras d’objets insignifiants qui n’ont rien à voir avec la personnalité de la victime de notre grande générosité et dont la seule valeur consistera à faire rouler une économie toxique devenue folle.
Bien que je ne sois pas croyant, je dois tout de même admettre que la fête de Noël était porteuse à l’origine – et l’est parfois encore – d’un certain nombre de valeurs sincères et profondes comme le partage, la paix, la fraternité et l’espoir. Mais l’esprit de cette fête a malheureusement été perverti par ce personnage grotesque qu’est le père Noël, cette créature composite créée à des fins mercantiles dans les années 1930 par la compagnie Coca-Cola à partir des restes de Saint-Nicolas et diffusée par la suite dans l’ensemble de l’Occident et même ailleurs dans le monde.
Sous ses airs débonnaires et à l’aide d’une féérie de pacotille, le père Noël est en fait l’incarnation du capitalisme triomphant qui a réussi à faire croire aux petits comme aux grands que l’argent pousse dans les arbres, que les jouets sont fabriqués par des lutins heureux, que l’amour doit faire ses preuves par l’entremise d’un objet d’une certaine valeur et, surtout, que les ressources naturelles sur terre sont infinies, inépuisables ou renouvelables.
Ce conte de fées empoisonné a assez duré. Cessons de pratiquer ce rituel délétère pour l’environnement et soyons plus cohérents avec nos valeurs.